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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE V-6Mesurer la stigmatisation : comparaison entre approches relativiste et universaliste auprès des veuvesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012peut recouvrir un lien de causalité dans les deux sens :si des personnes peuvent avoir recours à une associationparce qu’elles ont été victimes de stigmatisation, ilest aussi probable que la fréquentation d’une associationpermet d’acquérir des notions de la « culture dusida », notamment en termes de droits humains.Aucune des femmes veuves que nous avons interrogéesne fréquente une association. Il est probable quen’ayant pas été acculturées à la notion de stigmatisation,elles n’appréhendent pas leur expérience selonla définition commune (10) ; autrement dit, les définitionsémique et étique de la stigmatisation pourraientne pas être concordantes. D’autre part, l'incorporationde la stigmatisation et l’adhésion des personnesqui en sont les victimes est un des aspects de ceprocessus les mieux décrits par Goffman (Goffman1975) ; cette adhésion peut prendre la forme d’uneabsence de discernement, qui pourrait expliquer lefait que les femmes ne la rapportent pas. Enfin, desattitudes dévalorisantes relatives au VIH (notammentde la part de collatéraux) pourraient être « noyées »dans une attitude générale dévalorisante vis-à-vis detoute veuve.L’efficacité des stratégies protectricesL’un des résultats clé de l’enquête ANRS 1215 est lefait que dix ans après avoir appris leur statut sérologique,35% des personnes interrogées n’ont paspartagé l’information avec leur entourage. Ce tauxsemble encore plus élevé chez les veuves, d’après lesrésultats de l’Enquête Entretiens. Ceci explique qu'ellesne perçoivent pas d’attitudes stigmatisantes enrapport avec le VIH de la part de tiers. Le dévoilementde son statut sérologique à des tiers n’est pas indispensablepour les personnes vivant avec le VIH etrelève de la vie privée. Si au début des années 2000partager son statut avec un tiers était nécessaire pourobtenir une aide financière afin de payer son traitement,la mise en œuvre de l’ISAARV puis l'instaurationde la gratuité des antirétroviraux ont transformé cetteexigence en option (11) . L’amélioration de l’état de santédes personnes leur permet d’éviter d’avoir à révélerleur statut VIH dans l’urgence d’une complicationmédicale. Aussi les personnes atteintes préfèrentlimiter au maximum l’espace social dans lequel estdiffusée la notion de leur statut VIH. Nos résultats del’enquête par questionnaires montrent que c’est unestratégie efficace d’évitement de la stigmatisation,comme en attestent les données issues des entretiens.(10) Voir page 381.(11) Voir chapitre sur le partage du statut sérologique.5.2. Des critères d’appréhension dela stigmatisation peu pertinents dansle contexte localL’efficacité des outils pourrait également être encause. Au moins deux critères destinés dans les questionnairesà appréhender la stigmatisation semblentinadaptés au contexte sénégalais : l’isolement perçuet l’auto-isolement, et la connaissance du statut parl’entourage à l’insu de la personne.L’isolementL’isolement est une notion complexe, employée avecune signification ambivalente (simultanément spacialeet psychologique), dont le sens dépend des contextessocioculturels et dont la pertinence comme critèred’auto-stigmatisation pourrait dépendre des contextessocioéconomiques. Seulement une femme sur 13 a ditse sentir isolée, et deux ont déclaré s’auto-isoler àcause de leur statut sérologique. Pourraient-ellesphysiquement s’isoler si elles en avaient le souhait ?Avec en moyenne plus de quatre enfants à leurcharge, et des revenus qui ne leur permettent pas dese loger indépendamment d’une grande famille, s'isolersemble rarement possible. Les conditions de logementconduiraient plutôt à considérer l’absenced’espace personnel comme un trait dominant : certainesfemmes partagent une ou deux chambres avectous leurs enfants. Les données que nous avonscollectées nous conduisent à penser que l’isolementpourrait être un critère pertinent lorsque la réponse estpositive (une personne qui dit s’isoler ou faire l’objetd’une mise à l’écart atteste d’une auto-stigmatisationou d’une stigmatisation en actes) ; mais lorsque laréponse est négative, cela ne signifie pas nécessairementque la personne n’est pas stigmatisée, car elleest peut-être confrontée à l’absence d’espace qui luipermette un retrait de la vie sociale.La connaissance du statut VIH par des personnesde l’entourageCet item visait à explorer les divulgations du statut VIHà l’insu de la personne. La quasi-totalité des veuvesétaient concernées puisque seulement quelques-unesd’entre elles avaient été informées du statut VIH deleur conjoint par celui-ci, alors que la belle-famille enétait informée et spéculait sur le statut de la veuve. Detelles situations révèlent les multiples formes que peutprendre la révélation du statut VIH –entre suspiciondiffusée par la rumeur et annonce précise de la partd’un professionnel de santé par exemple. L’item n’apas été d’un maniement facile, les personnes enquê-389

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