12.07.2015 Views

Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

CHAPITRE III-5 Typologie de l’expérience du VIH et des ARV au temps de la « normalisation »ird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012tion, ils ne jouissent plus du respect auxquels ilsauraient droit statutairement. Ces personnes ne sontpas toujours rejetées hors de la famille, et le terme de« mort sociale » (Egrot 2007) semble excessif à leurégard. Néanmoins c’est bien la dimension sociale quiprédomine dans leur expérience.Madame D. a 53 ans et elle est célibataire, femme deménage. Elle vit avec ses trois enfants. Elle est soustraitement depuis 12 ans. Elle préfèrerait être mariéemais elle craint d’être une source de contaminationpour son futur conjoint, et pour cette raison souhaiteépouser une personne vivant avec le VIH. Elle aentendu parler de la Déclaration suisse mais nes’estime pas assez informée. « En principe, si elle(une personne) prend régulièrement ses médicamentselle peut avoir des rapports sexuels sans transmettrele virus. Mais les médecins n’aiment pas le dire.Jusqu’à présent on n’a pas d’information claire à cepropos. Moi personnellement je ne suis pas totalementrassurée… Moi, j’ai des prétendants, mais je nedonne jamais de réponse favorable à cause de monstatut… Vous savez, les hommes, si tu leur demandesde se protéger, ils te disent que c’est parce que tu n’aspas confiance en lui, que tu ne l’aimes pas alors que tune le fais que pour les protéger. C’est pourquoi moi jepréfère rester seule. Je n’ai pas le courage de révélermon statut à un prétendant, il est difficile de faireconfiance à une personne. Je préfère me résigner. Enplus je rends grâce à Dieu parce que j’ai au moins eudes enfants. »4. DISCUSSIONLes types d’expérience décrits ci-dessus ne correspondentpas à des « carrières » au sens sociologique duterme (Pierret 2007) ; ce dernier terme qualifie uneexpérience construite sur une durée relativementlongue, alors que les entretiens que nous avons menésne permettaient pas dans tous les cas de disposer durecul nécessaire pour appréhender l’évolution des situationsdans la durée. D’autre part la pertinence duconcept de « carrière », construit sur une analogie avecla carrière professionnelle et supposant une progressiondans les acquisitions (savoir, reconnaissance, statut),validée dans les pays développés, peut correspondreaux situations de personnes disposant de ressources(personnelles ou collectives dans les associations) maisne va pas de soi dans des contextes de précarité. Aussila prudence nous a conduits à utiliser la notion de« type », moins précisément définie.Les « types d’expérience » mentionnés ici qualifientune situation momentanée dont la durée n’est pasprécisée. D’autre part cette catégorisation ne correspondpas exactement à une analyse transversale, lesentretiens qui ont servi de base à cette analyse ayanteu lieu sur un laps de temps supérieur à un an. Enfinces types ne constituent pas des catégories mutuellementexclusives, définies rigidement ; les cas décritsau-dessus illustrent des situations extrêmes correspondantà chaque tendance.Les types d’expérience que nous avons identifiésconjuguent différemment les dimensions bioclinique,sociale, économique, et associative. Cette catégorisationest cependant hétérodoxe. Certaines catégoriescorrespondent à une « réparation » sous traitement dela vulnérabilité générée par le VIH (type 4). D’autrescorrespondent à une restauration insuffisante sur leplan médical (type 2), économique (type 3) ou social(type 5). La catégorie (type 1) correspond à une reconfigurationde l’expérience dans un espace socialdifférent de ceux fréquentés par les patients avant leuratteinte par le VIH ; la notion de reconfiguration de lasituation individuelle peut aussi être évoquée pour letype 5 : l’infection à VIH a fait basculer les individusdans une situation sociale différente de celle qui étaitla leur avant leur atteinte ou celle de leur conjoint.Deux dimensions pourraient être sous-estimées dansnotre analyse car elles n’ont pas fait l’objet de questionsspécifiques dans les sous-études qui neportaient pas directement sur l’expérience de la maladie: le rapport à l’emploi et à l’environnement detravail, et le rapport à la religion, qui n’ont pas ététraitées de manière qualitative spécifique dans lecadre de la cohorte ANRS 1215.Dans chacune de ces catégories, les individus conjuguentdifféremment les expériences subjective et objective: les propos laissent entrevoir le jeu de la dimensionpsychologique, qui accorde plus ou moins d’importanceà chaque aspect. C’est particulièrement le cas depersonnes atteintes de lipodystrophies, parfois suffisammentmarquées pour être aisément repérables par desnon-professionnels. Ainsi, la personne dont l’extraitd’entretien suit témoigne-t-elle d’une expérience de sontraitement qui nous conduit à la classer dans la catégorie4, celle des personnes qui déclarent mener une vie «presque normale » grâce à leur interprétation de leurstroubles et à leurs stratégies sociales :« Je n’ai remarqué que de bonnes choses. Comme je tel’avais dit, je tiens beaucoup à mon traitement et jerespecte toujours mes RV. D’ailleurs, je viens toujours laveille du RV fixé. Même tu vois, je fais toujours attentionà mon traitement. Je tiens beaucoup à mon traitement. Ilm’arrive de perdre du poids quand j’ai des soucis. Sinon,J’ai souvent la forme au point que les gens en parlent.176

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!