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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE V-6Mesurer la stigmatisation : comparaison entre approches relativiste et universaliste auprès des veuvesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012manière sensible par rapport à un contexte culturelunique, et s’appuie sur l’expérience des personnes pourmettre au jour les éléments induits par la notiond’infection à VIH, qui peuvent être différents selon lescontextes et les époques. D’un point de vue méthodologique,l’approche relativiste émique part de catégoriesplus englobantes que celles définies par une approcheuniversaliste étique (2) , et la première ne préjuge pas apriori du caractère stigmatisant de tel ou tel trait socialcontrairement à la seconde. Le caractère relatif à uncontexte limite les possibilités de comparaison inter-sites.Ainsi les a priori universaliste et relativiste, et lesapproches méthodologiques correspondantes – plus oumoins structurées – peuvent-elles répondre à des objectifsdifférents – une description à visée comparative oudestinée à « mesurer » la stigmatisation pour la première,une analyse à visée compréhensive destinée à en montrerles spécificités locales, la dynamique et les déterminantsou le sens qui lui est donné par ceux qui la viventpour la seconde. Dans certains cas, ces deux approchesdoivent être confrontées, notamment lorsque lesrésultats d’une étude menée selon l’approche universalistene semblent pas traduire la réalité et ne concordentpas avec des observations empiriques. C’est le cas dela mesure de la stigmatisation vis-à-vis des personnesvivant avec le VIH à Dakar (3) .1.2. Les connaissances sur la stigmatisationet ses déterminants en AfriqueLes formes et les effets de la stigmatisation envers lespersonnes vivant avec le VIH –en termes sociaux oude santé publique- ont été souvent décrits en Afrique,notamment dans les années 1990 et au début desannées 2000. La crainte de la contagion et le désespoirvis-à-vis de personnes perçues comme condamnéesen constituaient alors des motifs majeurs,co-existant avec la condamnation morale et la honteassociées aux modes de transmission allégués.L’amélioration du niveau général des connaissances àpropos des modes de transmission, l’extension del’épidémie hors des groupes initiaux considéréscomme « à risque » pour atteindre la population générale,et l’extension de l’accès aux traitements antirétroviraux,ont fait évoluer les attitudes au cours desannées 2000. Cependant « le stigmate » sous sadimension morale persiste même dans les pays oùprès d’un quart de la population a été infecté et où(2) Le point de vue « étique » est celui de l'observateur qui applique une grilled'analyse préconstituée, et le point de vue « émique » celui des personnesou populations étudiées (Sardan 2008).(3) Voir chapitre “Devenir des patients”.382tout le monde a été plus ou moins affecté par le VIH,bien que les traitements aient transformé l’infection àVIH en maladie chronique (Maman et al. 2009).Quelques tendances générales concernant lesfacteurs sous-jacents à la stigmatisation et son évolutionaux niveaux des individus, des groupes ou dessociocultures, ont été identifiées en Afrique –ainsi quedes exceptions. A l’échelle collective, le degré destigmatisation n’est pas directement corrélé à laprévalence, mais là où la prévalence est très faible–en cas d’épidémie concentrée- les attitudes stigmatisantessemblent plus fréquentes. La stigmatisationdiminue lorsque les traitements apparaissent et sontperçus comme accessibles –notamment parce qu’ilsfont disparaître les signes de la maladie et l'anticipationd’une charge incombant aux proches devantsoutenir les personnes atteintes (Maughan-Brown2010). Les campagnes médiatiques de lutte contre lastigmatisation semblent cependant avoir un effet trèslimité (Maman et al. 2009). A l’échelle individuelle, lesattitudes les plus négatives sont le fait de personnesqui ne connaissent pas de personnes atteintes, n’ontjamais eu de discussion à propos du VIH ni réalisé detest, et dont les connaissances sur les modes detransmission et les traitements sont limitées(Genberg et al. 2009). Néanmoins, la littérature metau jour des éléments apparemment paradoxaux :ainsi, une étude montre que lorsque les antirétrovirauxsont devenus disponibles en Afrique du Sud laréduction de la stigmatisation n’a pas été observéede manière significative (Maughan-Brown 2010) ;ceci pourrait être lié au fait que les personnes atteintesy partagent peu leur statut sérologique. Logiquement,les attitudes stigmatisantes sont moinsfréquentes lorsque les personnes « susceptibles destigmatiser » et celles « susceptibles d’être stigmatisées» ont peu de contacts, ou lorsque ceux-ci sonttrès « encadrés » par des normes sociales – unedimension que les études prennent rarement encompte. Les attitudes individuelles sont aussi probablementinfléchies par l’existence de formes institutionnellesde discrimination ou de distanciationsociale, qui peuvent jouer soit le rôle d’amplificateurssoit celui d’écrans. Ainsi la stigmatisation sembleconstituer un fait social difficile à appréhender, enparticulier là où elle n’est pas massive, probablementparce qu’elle fait intervenir simultanément des dynamiquescollectives complexes qui alimententl’hétérogénéité des situations locales, et parce queles stratégies des individus sont souvent basées surla dissimulation de leur expérience qui les protèged’une stigmatisation latente restant alors inexpriméeet invisible pour les chercheurs. Des discours norma-

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