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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-4 Les plaintes et leur interprétation : effets des antirétroviraux, du VIH ou du vieillissement ?ird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012prises. Au lieu de prendre trois comprimés, je n’enprends que deux. » (Karimatou)La confrontation des discours à l’historique des régimesthérapeutiques suivis par 20 personnes montre assezpeu de commentaires à propos de ces changements.Cependant le changement introduit une nouvelle phased’adaptation, parfois marquée par des effets indésirables.D’autre part les nouveaux traitements sont jugéspar comparaison avec les premiers :« Moi lorsque j’ai commencé mon traitement dedeuxième ligne, j’ai eu la diarrhée durant deux jours.Ils sont plus forts que les premiers. » (Yaye Ndeye)La notion de menace d’un passage en deuxième lignen’est évoquée que par un petit nombre de personnes,soit mieux informées du fait de leur niveau d’éducationou de leur proximité avec le système de soins (desmédiatrices par exemple), soit ayant déjà éprouvéelles-mêmes le changement de ligne. Pour les autres, laconfiance dans le traitement et dans les médecins pourobtenir un traitement efficace domine les propos.En résumé, les patients rapportent leur expériencecomme « traversant » trois périodes au cours desquellesles effets secondaires sont vécus de manières différentes :une phase « d’adaptation » (où les symptômes sontminimisés) ; une phase « de croisière » qui suppose desajustements comportementaux et qui peut aussi comporterdes changements nécessitant de nouvelles phasesd’adaptation ; et enfin une phase de saturation du corps oude résistance, imaginée ou anticipée par les patients sur lemodèle de l'échappement thérapeutique.3.4. L’attribution causale des troublesNous avons décrit les plaintes des patients, et certainsaspects de leur rapport aux médicaments. Les entretiensont permis d’obtenir des informations complémentairessur la manière dont les personnes définissentles causes de leurs plaintes.Quelques patients éprouvent des troubles dont ils nepeuvent dire s’ils sont dûs aux complications del’infection à VIH, aux antirétroviraux ou à des pathologiesintercurrentes. Ainsi cette femme, 57 ans, dit :« On m’a changé deux fois de médicament. Au début,c’était très dur de prendre le traitement avec lesdiarrhées… de petites maladies… Mais là, maintenant,je le supporte. Mais j’ai toujours des maux de tête, je nesais pas si c’est dû à la maladie. C’est ça qui me fatigue.Je ne sais pas si c’est dû à ça, comme je suis diabétique,drépanocytaire, diabétique et tout ça. » (Fanta)Pour elle, « c’est vrai qu’on ne peut pas guérir, mais onest confiant parce qu’on prend des médicaments quipeuvent peut-être allonger les années de vie. Il s’agitde savoir ça et c’est encourageant. C’est ça leproblème, le fait de savoir qu’on ne peut pas guérir.Mais quand on a les médicaments, on fait avec. Moij’ai eu beaucoup de problèmes pour supporter cela...Moi, il y a eu des moments où j’ai craqué, je me disaispourquoi prendre les médicaments si on sait qu’on vamourir. Mais il y a toujours des effets positifs dans lesmédicaments. »Ainsi, bien qu’elle considère que son traitement aprovoqué l’amaigrissement de ses hanches et de sonvisage, ainsi que ses vertiges et son diabète, elleavance que cela en vaut la peine. D’ailleurs, après unepériode pendant laquelle elle explique n’avoir pas prisson traitement tout en prétendant le faire, elle estdésormais observante.D’autres personnes ne font pas la distinction entre lamaladie et le traitement comme cause des symptômesqu’elles éprouvent :« Je l’ai pensé depuis le début. Que c’est dû à la fois àla maladie aux ARV et aux soucis. » (Tabara)Quelques-unes raisonnent par déduction sur la basede la disparition des symptômes sous traitement :« Avant de prendre le traitement, je constataisconstamment des chutes de cheveux et je ne comprenaispas. C’est après que j’ai compris que c’était dû auVIH. » (Yaye Ndeye)La majorité des personnes considèrent le traitementcomme cause de leurs symptômes, surtout lorsqueleurs troubles correspondent à des effets secondairesdes antirétroviraux identifiés par la médecine, selonles informations délivrées par l’équipe soignante :« Parce que c’est le premier médicament (les groscomprimés) qui a causé mon diabète. Parce qu’ilparait que ces médicaments ont du sucre il faut qu’onles change. Parce que, un jour, lorsqu’on faisait ungroupe de parole Dr. nous avait parlé des médicaments,depuis lors, je n’en vois plus. On les a changésparce qu’ils causent le diabète. » (Bigué)C’est aussi le cas pour ceux, très peu nombreux parmiles personnes que nous avons interrogées, qui ontrecherché ailleurs l’information sur les traitements :« J’ai peur que les médicaments nous causentd’autres maladies comme des cancers.165

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