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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-4Les attitudes en matière de procréationird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012riences de procréation se sont multipliées, de plus enplus de femmes séropositives ont souhaité avoir desenfants, notamment celles faisant partie des associationsde PVVIH, au sein desquelles devenir mère d’unenfant séronégatif a été assimilé à un « succès »donnant droit à une reconnaissance par les pairs.Aussi, au fil du temps, de plus en plus de grossessessont « choisies » voire recherchées et planifiées par lesfemmes séropositives. Les situations de rechercheinfructueuses de nouvelles maternités chez les femmesséropositives, sources de souffrance, sont de plus enplus fréquentes. Les femmes qui avaient eu plusieursenfants avant de connaître leur séropositivité ne souhaitentle plus souvent pas en avoir plus d’un ; les grossessessupplémentaires sont généralement « subies »,alors que les femmes qui n’avaient jamais eu d’enfantsau préalable essaient d’en avoir plusieurs. Ces femmesont été fortement éprouvées par l’annonce de leurséropositivité ou par l’altération de leur santé à l’origined’une période d’abstinence sexuelle plus ou moinslongue. Au fil du temps, alors qu’elles sot encouragéespar un retour à la santé grâce à la thérapie antirétroviraleou une dédramatisation du VIH, leurs relations conjugalesou amoureuses se normalisent. Certaines d’entreelles expliquent qu’avec le maintien de leur bonnesanté, la souffrance liée à l’absence de maternité estparfois plus difficile à supporter que la séropositivité auVIH. En effet, si la majorité d’entre elles peuvent dissimulerà leur entourage leur statut sérologique, l’absenceou l'insuffisance de procréation est connue de tous.Cependant, au plan individuel, les femmes ne sont pastoujours « en phase » avec cette dynamique, et lesgrossesses sont marquées par des expériences diverses.Elles peuvent renforcer leur socialisation, améliorerleur statut ou parfois induire des situations de détresseindividuelle, surtout quand les maternités ne sont pasdésirées ou « subies ». Les expériences de procréationsde femmes séropositives leur permettent de bénéficierdes avantages sociaux liés à la maternité, tout en lesexposant à une souffrance, une incertitude douloureuseet un risque de précarité accru dans un contexte où ellesne maitrisent par leur fertilité. Ces contrastes limitent laliberté des choix procréatifs et accroissent les risques demultiplication de grossesses subies. Il est donc nécessairede renforcer les stratégies d’accompagnement desfemmes séropositives dans leurs besoins de procréationet de planification familiale.Au niveau des professionnels de santé, une dynamiqueprogressive allant vers une meilleure acceptationde la procréation, de manière comparable à celleschez les femmes séropositives, a été observée. Laprocréation des femmes sous ARV a d’abord été« interdite » puis « déconseillée », avant d’être« tolérée » puis soutenue « sous condition » de conformationaux normes biomédicales, qui ne répondentpas à la complexité des réalités socioculturelles.Dans le même temps, les comportements sexuelsassociés à l’infection à VIH semblent en voie de «normalisation » grâce à la persistance de la santésous traitement antirétroviral, qui favorise le réinvestissementde la sexualité (3) . Les dynamiques collectivesen matière de procréation en attestent. Avant les ARV,beaucoup de femmes séropositives associaientl’infection à VIH à un « deuil procréatif » ce qui a longtempsconstitué une source accrue de souffrance.Plus qu’un « désir d’enfant », le contexte socio culturellié à la procréation au Sénégal semble susciter un« besoin d’enfant » pour améliorer le vécu d’une identitéféminine et masculine mise à mal par la dévalorisationdu statut social liée au VIH.3.6.4. Des relations sexuées en mutation et deshommes souvent « oubliés »Les enjeux autour de la procréation ont égalementpermis d’analyser les relations hommes-femmes dansle contexte du VIH. Nos enquêtes mettent en évidenceune variété de rapports entre les deux sexes dominéepar l’existence de conflits conjugaux selon les circonstancesde la transmission du VIH dans le couple, leniveau socioéconomique, l’autonomie financière desconjoints et le nombre d’enfants avant la connaissancedu statut sérologique VIH. Lorsque les femmesestiment qu’elles sont « victimes », elles peuventaccroitre leur pouvoir au sein du couple ou de lafamille et adopter diverses formes de résistance face àdes attitudes et pratiques tolérées jusqu’alors.Les analyses révèlent également la complexité dessituations liées au partage de l’information avec lepartenaire. Au fil du temps, lorsque les conditionssocioéconomiques, l’histoire matrimoniale, l’impactdes ARV sur la santé, et la vie sociale s’améliorent, deplus en plus de personnes s’efforcent de partagerl’information avec un membre de leur entourage ouleur conjoint. Toutefois, les enquêtes auprès despatients de la cohorte ANRS 1215 révèlent qu’après10 ans de thérapie antirétrovirale, un peu plus de lamoitié d’entre eux (51%) maintiennent toujours lesecret avec le conjoint.(3) L’impact de cette « normalisation » est toutefois difficile à estimer, commeen témoignent les observations conduites dans le cadre des consultationsde sexologie médicale (cf. chapitre II-3)240

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