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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE VI-5Le mariage, entre souhait et obligationird-00718213, version 1 - 16 Jul 20123. UNE HISTOIRE DE CASEXEMPLAIREIl faut d’emblée souligner que des PvVIH connaissentdes histoires réussies de mariage sans difficultés’inscrivant dans une normalité comparable à descouples ne vivant pas une expérience de maladie.Seulement, dans cette partie, nous avons prisl’option de nous intéresser à des PvVIH qui rencontrentdes difficultés pour se marier, ou qui sont soumisesà des pressions de la part de leur entourage.Nous allons introduire les résultats par une histoirede cas singulière mettant en évidence des préoccupationspartagées par les PvVIH, qui ne sont pasdissociées de tensions inhérentes à l’institution dumariage, d’un autre ressort. Ce cas permettraensuite, en analysant un à un les enjeux évoqués, deprésenter les divers aspects qui régissentl’expérience matrimoniale des PvVIH.« Je commencerai mon récit par vous raconter deuxexpériences qui ont ponctué ma vie, deux expériencesd’aventure. J’ai fait les daaras (écoles coraniques). J’aiété talibé. J’ai passé toute ma jeunesse dans cesdaaras avant de revenir au sein de ma famille. Lorsqueje suis revenu, je suis resté un peu en participant auxtravaux champêtres, ensuite j’ai dit à mon père que jene pouvais pas rester. Je préférais aller en voyagetenter ma chance dans d’autres pays. J’ai fait au total17 pays d’Afrique. Lorsque vous voyagez les genss’attendent à ce que vous reveniez riche, avec plus dechoses. Alors quand vous revenez et que c’est vous quicomptez sur les gens pour vous en sortir, cela devientdifficile pour vous. Je suis revenu au sein de ma famille.J’avais une promise. Je devais l’épouser. Je lui aidemandé de se marier dès qu’elle verrait quelqu’un quivoudrait l’épouser. Elle a refusé. J’ai été obligé de toutlui dire pour lui faire comprendre que ce n’était pas parrefus ou que je ne l’aimais pas mais parce que j’étaisséropositif. Elle m’a assuré que cela ne la gênait pas,elle voulait toujours se marier avec moi. Mais on adécidé de garder le secret pour nous. Mais son onclequi avait la responsabilité du mariage a demandé qu’untest VIH soit effectué avant le mariage. Ce fût une levéede bouclier dans ma famille. Mon grand frère ademandé que je ne fasse pas le test, qu’une femme nevalait pas la peine de subir une telle humiliation. J’ai ditque cela ne me dérangeait pas. J’ai fait les démarchesnécessaires, j’ai payé l’argent et j’ai demandé à un amide faire le test sous mon nom, à ma place. Le test estrevenu négatif, je l’ai donné à son oncle et il a célébré lemariage. Nous avons vécu quatre ans. Je n’ai pas eud’enfant avec elle. On a fini par divorcer » (Amadou, 47ans, marié, une fille adoptée).Cet entretien soulève plusieurs questions à troisniveaux. Le premier niveau est celui de la perception dumariage : dans quelle mesure est-il considéré commeune obligation sociale ou relève-t-il d’un souhait individuel? Pour répondre à cette question il est nécessairede décrire les motivations au mariage des PvVIH. Lesecond niveau concerne les difficultés rencontrées parles PvVIH : l’histoire de cas d’Amadou montre qu’ellesconcernent l’application de la prévention dans le cadredu mariage, le risque de dévoilement du statut VIH à destiers, l’annonce du statut VIH à un prétendant et laperception d’une incompatibilité entre infection à VIH etmariage. Le troisième niveau de questionnementconcerne les stratégies mises en œuvre par les PvVIH,qui peuvent être l’abstinence et la solitude (premièrestratégie tentée par Amadou), la recherche d’un conjointvivant avec le VIH (stratégie qu’il envisage ensuite), etdes stratégies personnelles (telle que celle qui luipermet de répondre à la demande de test VIH) quireflètent la complexité des situations particulières. Cestrois niveaux seront successivement examinés et discutéssur la base de nos données d’entretien.4. LE MARIAGE, UNE OBLIGATIONOU UN DESIR ?Les entretiens réalisés laissent percevoir des attitudestrès ambiguës et diverses des PvVIH face au mariage :certain(e)s disent qu’ils (ou elles) ne veulent pas semarier mais en le regrettant ; d’autres qu’ils veulent semarier sans y parvenir ; d’autres souhaitent se mariermais pas avec la personne qui leur est proposée ;d’autres semblent ne vouloir assumer que certainsaspects du mariage. Il est donc nécessaire d’analyserces motivations, et de décrire les rapports entre lapersonne et son entourage à ce propos. Deux notionsdominent les entretiens : le mariage comme obligationsociale qui induit une pression de l’entourage, et lemariage comme désir individuel.4.1. Le mariage comme obligation et lapression sociale au mariageLe récit d’Amadou, sans insister sur l’attitude de sonentourage, fait état d’une pression diffuse : « Les genss'attendent… (au mariage) ». Cette pression estd’autant plus pressante que le choix de sa futureconjointe a été fait par sa famille. D’autres personnesrapportent les propos de leur entourage qui montrentde manière explicite la pression exercée :« Les gens se posent des questions. Ma mère medemande toujours pourquoi je ne me marie pas. Elle245

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