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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012sement des extrémités des membres et un ventre quigrossit, c’est l’amaigrissement qui semble le plussignificatif pour elle. Alors qu’elle a décrit avec beaucoupde détails ses symptômes et les éléments quiravivent sa souffrance, elle n’insiste pas sur ladysharmonie touchant en particulier les extrémitésde ses membres : la maigreur de ses mollets et deses mains apparaissant comme une expression localiséeet plus intense de la maigreur qui touche soncorps – à l’exception de son abdomen. La maigreurest pourtant relative, puisqu’elle pèse environ 68 kg ;mais l’amaigrissement fut important pour elle qui,avant l’expression clinique de l’infection à VIH, apesé jusqu’à 100 kg.« J’ai une amie, chaque fois que je lui dis que j’aimaigri et que les gens ne cessent de me le répéter,elle me dit ‘N’écoute pas les gens, tu n’as pas maigrià ce point’… Elle ignore mon statut ». (Aïcha)Aïcha n’exprime pas de préoccupation esthétique àpropos de sa corpulence ; elle ne souhaite d’ailleurspas rechercher un conjoint, ce qui limite l’importancepour elle de ce type de préoccupation. C’est lamaigreur qui inquiète Aïcha, et plus précisémentl’amaigrissement qu’elle associe au sida, notammentà propos des parties du corps que le vêtement nepeut voiler.« Maintenant, je ne porte plus de taille basse, j’ai changéma façon de m’habiller, sinon tout le monde va medemander ce qui se passe comme si j’avais changé defaçon extraordinaire. Le médecin m’a pourtant dit que jen’ai pas changé aussi considérablement, les gens nefont que parler. ‘C’est peut-être dû au fait que tu soisveuve, qu’ils doutent, etc.‘ » (Aïcha)L’hypothèse du médecin renvoie implicitement àl’infection à VIH et évoque deux éléments contextuelsque sont le veuvage et l’absence de mentionexplicite d’une autre étiologie annoncée. Dans lespropos d’Aïcha comme dans ceux d’autres personnes,une lipoatrophie même localisée apparaîtcomme la séquelle visible de l’amaigrissement associéà l’infection à VIH. L’évolutivité du signe sembleen constituer un élément important, exposantprogressivement davantage à un diagnostic profaned’infection à VIH par des tiers.Lamine a lui aussi connu une évolution dans le tempsde son poids qui infléchit sa perception : après uneprise de poids abdominale excessive lorsqu’il a commencéson traitement antirétroviral, il a éprouvé cinqans plus tard une perte de poids de 10 kg, qui l’a faitpasser de 78 à 68 kg.« Avant, j’étais plus à l’aise. J’avais plus de couraged’affronter les gens parce que ça donnait bonne mineet je me sentais moins sidéen. Mais, squelettiquecomme ça, ce n’est pas bien ».Ce qui le gène le plus n’est pas la fonte des jouespourtant très visible, mais l’amaigrissement global :« Mes os sont devenus visibles ».D’autres cas montrent comme ceux d’Aïcha etLamine que les lipodystrophies dans le sens d’unehypertrophie ne constituent pas une préoccupationimmédiate car elles peuvent être mises sur le compted’une restauration de l’état de santé en début detraitement, surtout chez des personnes qui avaientbeaucoup maigri avant d’accéder aux antirétroviraux.La survenue de lipoatrophies quelques années plustard ravive l’image de l’infection à VIH telle qu’elle aété largement diffusée dans les années 1990, cellede « sidéens squelettiques ». De plus l’évolutivité deces lipodystrophies renforce l’inquiétude à propos dela découverte par des tiers d’une infection à VIH quela stabilisation du poids avait un temps écartée.Etre trop gros parmi les personnesvivant avec le VIHAwa, un surpoids ambiguAwa a 37 ans, elle est célibataire sans enfant. Elleest diola, habite à Dakar. Elle a une formation deniveau universitaire, avec un diplôme de maitrise ensciences naturelles, mais elle est au chomage, et ellefait « du petit commerce » de bijoux et suit des coursd’anglais. Elle prend son traitement depuis 9 ans aumoment de l’entretien. L’entretien a lieu en français.Quand on la rencontre son surpoids est visible (ellepèse 104 kg), et elle paraît beaucoup plus âgée queson âge réel. Elle est atteinte de lipodystrophie deforme hypertrophique visible, bien qu’il soit difficile dedistinguer cela des effets morphologiques dusurpoids global. Elle se dit très génée par son physiqueet s’exprime facilement à ce sujet. Elle dit ne pasparvenir à trouver un conjoint à cause de son poids.Le fait de grossir n’est pas le seul effet indésirablequ’elle exprime : « Ça me fait prendre du poids, et jesuis paresseuse aussi. Je sais pas pourquoi, mais,j’ai l’impression que je suis très fatiguée en cemoment… Quand je suis au lit, j’ai du mal à me leverle matin. Et ça, je pense que c’est les médicaments,parce que avant je n’étais pas comme ça. »Elle décrit ainsi ses troubles : « Les effets secondaires…c’est que je grossis. J’ai surtout le ventre qui127

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