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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-4Les attitudes en matière de procréationird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012rentrer chez moi parce je n’étais pas encore à terme.Pourtant je leur ai dit que j’habitais loin. Je suis quandmême rentrée chez moi mais je n’ai pas dormi. Lelendemain, je suis retournée à l’hôpital entre 6 heures 7heures. Lorsque je me suis représentée, une dame m’ademandé d’aller patienter pour savoir ce qu’ellespeuvent faire. J’ai réfléchi et je suis partie voir le médecinde l’hôpital qui suit les PvVIH. Je lui ai expliqué masituation et il a aussitôt appelé le gynécologue qui était lechef des femmes de la maternité. Il m’a demandé deretourner dans la salle d’accouchement, ce que j’ai fait.Les femmes m’ont fait des reproches sur le fait que jesois allée demander de l’aide chez un autre médecin. Jeleur ai répondu vous n’avez rien à me dire je n’ai fait querépéter ce que vous m’avez dit. Elles m’ont demandé demonter sur la table et m’ont consulté. Finalement legynécologue m’a amenée au bloc pour m’opérer ».Ces dernières années, la situation s’est amélioréenotamment dans le site spécialisé enquêté, où denombreuses femmes soutiennent qu’elles ont puaccoucher dans de bonnes conditions. Mais certainesfemmes enquêtées rapportent des expériencestraumatisantes d’accouchements lors desquels ellesont du faire face à la réticence des sages-femmeschargées de les accoucher, à des comportements destigmatisation ou de négligence, mais également à lapeur de la divulgation de leur séropositivité en raisondes précautions supplémentaires à leur égard. Pouréviter ces effets, plusieurs femmes ont expliquéqu’elles ont fait appel à un membre de l’association,ou au soutien de divers professionnels impliqués dansla lutte contre le sida pour les assister et leur portersecours tout au long de leur séjour à la maternité.3.3. Désir d’enfant ou « besoin d’enfant »des PvVIHLes propos des personnes enquêtées confirment que lamaternité demeure fortement valorisée notamment chezles femmes de statut VIH+. Les motivations liées à lamaternité peuvent être rapportées à celles de toutes lesfemmes ou concerner spécifiquement le contexte duVIH. Pour les femmes séropositives, avoir un enfantséronégatif peut être perçu comme une source demotivation et d’espoir pour supporter les contraintes liéesau vécu de leur propre séropositivité. Selon les femmesenquêtées, la séronégativité de l’enfant témoigne nonseulement de l’efficacité du traitement antirétroviral sur latransmission du VIH alors qu’il y a un « mélange dessangs » durant la grossesse et l’accouchement, maisatteste également de leur caractère « inoffensif », qui faitréférence à l’absence de transmissibilité du VIH, ce quitraduit par le sentiment de ne « plus pouvoir nuire àpersonne ».3.3.1. Motivations liées à la maternitéAvoir un enfant pour rester une femme et« laisser quelque chose »Lorsqu’elles connaissent leur séropositivité, l’une despréoccupations des femmes concerne leur capacité àavoir des enfants. Ne pas avoir d’enfant est considérécomme une perte de leur féminité, qui est une sourcede souffrance psychologique et sociale supplémentaire.Les femmes craignent la dévalorisation et l'humiliationd’être considérées comme stériles ou peufertiles au sein de leur famille et dans leur entourage.« Quand on m’avait annoncé ma maladie ça ma faittrès mal, mais ce qui m’a fait le plus mal c’est quandon a dit qu’on ne peut plus avoir d’enfant. La vie sansenfant ne sera pas belle. Même si tu es malade tonsouhait est de laisser un enfant derrière toi quand tumeurs. C’est dur d’avoir la maladie en plus sansenfant ». 2007, (Amy, 37 ans, 1 enfant)Le désir de maternité peut également être lié aux représentationssociales liées à la maternité au Sénégal : avoirun nombre suffisant d’enfants pour renforcer son pouvoirau sein du couple et réduire le risque d’être répudiée oude voir son mari épouser une autre femme, bénéficier deleur soutien à l’âge de la vieillesse, assurer une importantedescendance et une continuité lignagère.C’est le cas de Rama, 30 ans, mariée à 14 ans. Informéede sa séropositivité depuis 5 ans, elle suit un traitementARV. Elle a 5 enfants vivants dont un séropositif et2 décédés. Elle a eu 2 enfants depuis qu’elle suit unethérapie antirétrovirale. Elle est la seule fille de sa mèreet dit qu’elle souhaite avoir encore deux enfants :« Je suis la fille unique de ma mère et je dois avoir desenfants. Je suis contente d’avoir beaucoup d’enfantset qu’ils aient du « barké » (pouvoir) parce que si jemeurs un jour c’est lui mon « take nder » (expressionsignifiant « celui à travers qui je serai reconnu(e) aprèsma mort »). Les gens pourront se souvenir de moi àtravers mon enfant. »Avoir un enfant pour prouver sa bonne santé et éviterla stigmatisationPour de nombreuses femmes enquêtées, la maternitéa été utilisée comme une stratégie, voire une armepour contredire les rumeurs de séropositivité, normaliserles rapports avec l’entourage ou pour renforcerune estime de soi perturbée après avoir été psychologiquementdéstabilisée à l’annonce de la séropositivité.La capacité d’être à nouveau mère symbolise unevictoire face au pronostic médical et social péjoratif lié234

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