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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012à Anita de son visage marqué par une fonte desjoues très visible.Les lipodystrophies ne constituent pas, du moins pour lemoment, un « stigmate ». Mais par leur caractère inhabituel,elles attirent l’attention des tiers sur un changement(de morphologie, du visage), qui suscite des questionssur la santé de la personne atteinte et lui fait craindre quela cause ultime (l’infection à VIH) ne soit découverte.Par contre, lorsque d’autres éléments significatifs del’infection à VIH sont associés, la lipodystrophie estun « élément d’appel », comme dans la situation querapporte Bineta :« Parce que mon mari était en Côte d’Ivoire, en plus,là où j’habitais avant de prendre les ARV, les gensconstataient que mon mari et moi étaient tout letemps malades, malades, malades et on habitetoujours dans le même quartier, on a juste emménagédans une autre maison. Je suis très active aussidans les mouvements associatifs, les gars viennent,tantôt on voit des gens d’une telle maigreur, tantôtdes personnes d’un état qui éveille les soupçons ».On retrouve là quelques éléments de représentationssociales qui conduisent à un « diagnostic profane »d’infection à VIH –séjour dans un pays de hauteprévalence, antécédent de « longue maladie », lienavec des personnes atteintes ou des associationsvis-à-visdesquels la lipodystrophie prend valeur designe d’orientation.La perception des troubles dépend-elle descaractéristiques physiques des personnes ?La perception des troubles dépend de leur intensitéobjective. Ainsi pour Ilam, qui n’a pas de signe visiblepour un profane en situation de contact public, quidéclare maigrir par période mais ne perçoit pas dedéformations de son corps –une question que sonmédecin traitant lui pose fréquemment-, la lipodystrophie–qu’elle ne perçoit pas comme un trouble particulier-ne pose pas de problème spécifique. Elle metson amaigrissement temporaire sur le compte de sessoucis : « Parfois je maigris mais pas à cause de lamaladie, juste à cause des soucis ».On pourrait attendre que la perception des troublesdépende de leur localisation, ceux concernant desparties du corps exposées au regard dans la viecourante étant plus fréquemment perçus que ceuxqui ne sont observés que dans l’espace intime.L’analyse des entretiens montre que cet aspect n'estpas le premier déterminant de la perception dutrouble comme un symptôme : plusieurs personnesatteintes d’atrophie des joues ne s’en plaignent pas.Par contre, pour les personnes qui se plaignent delipodystrophies et les perçoivent comme des signespathologiques, l’atrophie des joues prend un importancede premier plan.La perception des lipodystrophies dépend aussi de lamorphologie de la personne et de son évolution sur lelong cours. Pour Abdel, la fonte des joues n’est pasimmédiatement évidente parce qu’il est maigre. ChezAïcha, qui avait été en surpoids, puis avait beaucoupmaigri, puis a eu une corpulence « moyenne » avantde revenir en surpoids, les disproportions ont été plusfacilement perceptibles.Mais cet aspect n‘est pas le seul déterminant. Ainsi,Binta, qui a retrouvé un poids de 70 kg alors que lamaladie l’avait fait chuter à 45 kg, quelle que soit lamanière dont on évoque le sujet, déclare qu’elle nesouffre pas de « déformations » de son corps, alorsque la lipoatrophie de ses joues est visible mêmepour un profane. Elle perçoit peut-être cette atrophiecomme une séquelle de la période où elle était d’unemaigreur extrême.D’autres personnes mettent la lipohypertrophie sur lecompte de l’embonpoint. Ainsi Binta commente ainsisa « bosse » : « Non, ça ce n’est rien, c’est à causedu poids. Quand je grossis, ça apparaît. Si tu ne faispas attention, tu va penser que j’ai un goitre. Maisc’est juste à cause de la grosseur. »Ainsi, les dystrophies qui vont dans le même sensque la corpulence globale (c’est-à-dire les atrophieschez les personnes maigres et les hypertrophieschez les personnes en surpoids) sont-elles moinsperçues comme des troubles et probablement interprétéescomme un simple trait morphologique oucomme une variante localisée du changement decorpulence.Les personnes atteintes décrivent-ellesune "entité nosologique" ?Les personnes souffrant de lipodystrophies décrivent-ellesleurs troubles comme un signe morphologiqueisolé ou comme un ensemble de signes ? Leurdescription correspond-elle aux définitions biomédicales? La variété des troubles décrits sur le planbiomédical (atrophie, hypertrophie, combinaison) etde leurs localisations (fesses, visage, nuque, extrémitésdes membres, abdomen) permet l’expressionde tableaux assez divers. Comment ces signessont-ils assemblés ou hiérarchisés dans les percep-123

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