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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE II-3Santé sexuelle : étude exploratoireird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012dés la connaissance des modes de transmission.L’arrivée des traitements ARV n’a qu’à peine diminuécette crainte (Schiltz 1999), et celle-ci est décrite danstoutes les études de santé sexuelle concernant lesPVVIH (Keegan et al 2005, Schiltz et al 2006, Siegel etal 2006, Troussier & Tourette-Turgis 2006). La mêmecrainte est retrouvée chez les PVVIH au Maroc (ElFane et al 2011). Les dix années de traitements etd’accompagnement biomédical dont ont pu bénéficierces patients au Sénégal n’ont pas suffi à les alléger decette inquiétude. Ceci est à mettre en perspective avecles circonstances dans lesquelles ces patients ont reçuleur traitement et avec les informations délivrées par lessoignants. Ces patients furent parmi les premiers auSénégal a obtenir des médicaments ARV, après avoirpour la plupart d’entre eux fait l’expérience de la maladiequi a emporté nombre de leurs proches (nous avonsvu que tous ont été concernés par le décès d’unconjoint ou d’enfants), ils ne peuvent oublier le caractèregravissime de la maladie. Pendant toutes ces annéesles professionnels de santé ont porté un discours demise en garde constant à l’égard de la transmissionsexuelle du VIH, rappelant la nécessité de l’usage despréservatifs, avec parfois des propos moralisateurs etculpabilisants à l’égard des personnes qui n’avaient pasinformé leur partenaire. D’autre part, l’information issuede la Déclaration Suisse de 2008 sur la non contagiositédes personnes ayant un traitement efficace n’a jamaisfait l’objet d’une communication médicale structurée :elle a circulé notamment parmi les membres des associations,et elle n’a été discutée qu’au cas par cas par lesmédecins craignant qu’elle conduise à un arrêt immédiatde toutes pratiques de prévention. Enfin, il estnécessaire de souligner une dimension qui peut paraîtreparadoxale dans la crainte de la transmission : toutes lesfemmes vues lors de la consultation de sexologieaffirmaient que la transmission de la maladie étaitimpossible grâce aux ARV ; néanmoins la plupartd’entre elles évoquent tout de même cette crainte à unmoment de l’acte sexuel. Ce décalage s’inscrit dans lesreprésentations du risque et les interprétations desprobabilités de transmission, et dans les perceptions dupotentiel contaminant des substances corporelles. Cettecontradiction apparente est aussi à mettre en relationavec le traumatisme psychologique initial du diagnostic,la remise en cause profonde des relations de confiancepréalablement établies, et la réactivation possible desangoisses à chaque actuel sexuel. La séropositivité auVIH est vécue comme une contrainte sur la sexualitédont les personnes ne se libèrent jamais totalement(Troussier 2006).• Les entretiens révèlent l’impact majeur de la maladiesur les pratiques sexuelles, tant chez les femmesque les hommes. La plupart des patients témoignentd’un appauvrissement de leur pratique sexuelle, derestrictions des scripts sexuels par l’abandon dediverses pratiques (baisers, caresses, rapportsbucco-génitaux,…) et finalement d’une dégradationde leur sexualité source d’insatisfaction personnelleet de conflits avec le partenaire. La sémiologie destroubles sexuels – baisse du désir, baisse del’excitation sexuelle, dyspareunie chez les femmes etdysfonction érectile des hommes – est décrite demanière identique au Sud (El Fane et 2011) et auNord (Troussier & Tourette-Turgis 2006, Siegel et al2006). Elle conduit de manière comparable à undésinvestissement de la sexualité et à un appauvrissementrelationnel.6. CONCLUSIONCette étude exploratoire révèle les profondes transformationsdes pratiques sexuelles des PVVIH et lesperturbations psychologiques et sociales que celainduit. Les professionnels de santé qui assurent laprise en charge médicale et sociale des PVVIH ontune connaissance imprécise de ces perturbations ;des formations leur permettant de comprendrel’ampleur et l’impact de ces troubles devraient leurêtre proposées. Cette étude révèle que les PVVIHont un important besoin d’information adaptées etactualisées sur les risques de transmission du VIHlors des relations sexuelles. Ces informationspeuvent être fournies par diverses catégories deprofessionnels de santé et ne requièrent pas nécessairementla compétence d’un sexologue. Il estégalement nécessaire que les PVVIH soient informées,de manière non dramatisée, sur l’impact duvieillissement et des médicaments sur leurs aptitudessexuelles. Enfin l’évolution prévisible de la populationdes individus traités par ARV (nouveaux patientstraités avant l’expression des signes clinique du sida,allongement de la durée de la prise en charge médicalepour ceux déjà traités) doit inciter à poursuivreles recherches dans le domaine de la santé sexuelledes PVVIH.90

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