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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-6L’expérience du veuvage dans le contexte du VIHird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012sérologique du défunt et à la tonalité de leurs relationsantérieures avec la femme. Quelques cas de spoliationsont explicites. De nombreuses familles ontproposé un lévirat, refusé par la femme dans la quasitotalité des cas. Cependant cette attention sembles’être limitée à la période immédiate après le décès :dans tous les cas les familles ne se sont plus intéresséesau devenir des enfants, ce qui peut paraître paradoxaldans un contexte patrilinéaire. Cette indifférence,qui est peut-être la manifestation d’un évitement,pourrait être due à la suspicion que les enfantssoient eux-mêmes infectés par le VIH –ou àl’anticipation de leur décès du sida, les succès thérapeutiquesdes antirétroviraux n’étant pas toujoursconnus de la population générale.Le VIH a été décisif dans l’histoire de la premièreunion ; cette histoire passée est sous-jacente à lagestion des projets de remariage et à l’expériencerécente des femmes à ce propos. Parmi les 31femmes interrogées :- 10 femmes disent qu’elles ne cherchent pas à seremarier pour plusieurs raisons : crainte de mettre enpéril un équilibre familial précaire, hantise des conflitsentre le nouveau conjoint et leurs enfants, crainted’aggraver sa situation économique ou sa dépendance,volonté de ne pas trahir la mémoire du premierpartenaire, désenchantement du mariage qui n'apparaîtplus que comme une servitude sans relation deconfiance, inquiétude vis-à-vis d’une reprise de lasexualité.- 14 femmes souhaitent se remarier et font des démarchesdans ce sens, pour les raisons suivantes : retrouverun statut social correspondant à la norme, en finiravec la pression au remariage et les critiques, améliorersa situation économique et sécuriser celle de sesenfants.- 7 femmes semblent avoir un avis intermédiaire,souhaitant se remarier pour des raisons peu « positives» (essentiellement regagner une certaine tranquillité),et simultanément posant des conditions tellesqu’un remariage semble peu probable.Quelle que soit leur attitude, qu’elles aient rencontréou pas des personnes avec lesquelles elles auraientété susceptibles de se remarier, les femmes qui en ontexprimé le souhait disent presque toutes vouloir quece soit avec une personne vivant avec le VIH, pouréviter d’être confrontées à la suspicion et à la stigmatisation.Certaines évoquent une forme d’union (takkoo)qui n’anticipe pas de descendance et n’implique pasnécessairement un changement de résidence : cetteforme de mariage « allégé d’obligations » permettraitde maintenir l’équilibre familial actuel.Ces parcours de recherche ou de refus d’une unionsont infléchis par cinq préoccupations majeureséprouvées par les femmes qui se sont exprimées :être identifiée comme atteinte par le VIH ; ne pouvoirannoncer son statut VIH, ce qui aurait permis deréduire la pression au remariage ; ne pouvoir annoncerson statut à un prétendant par crainte qu’il ne divulguecette information ; la perception d’être contagieuse; et n’accepter qu’un conjoint vivant avec leVIH. Ces préoccupations, qui sont aussi des formesd’expériences, créent une par une des situations «d’impasse ». De nombreuses femmes cumulent cespréoccupations, et de ce fait vivent dans une situationqu’elles ne peuvent pas faire évoluer. Ces préoccupationssont des conséquences de la stigmatisation, quia souvent été vécue, et dans tous les cas qui estanticipée et crainte. Ainsi, une forme « ultime » del’auto-stigmatisation pourrait être la situation de désiret d’incapacité à se remarier qui est la leur, généréepar leur volonté de n’épouser qu’un homme vivantavec le VIH, alors que le nombre d’hommes vivantavec le VIH susceptible de se remarier est trèsrestreint.Cette étude montre que les femmes dont le conjointest décédé dans le contexte du VIH éprouvent demanière très aiguë un « double déclassement » du faitde leur situation de veuve et de la suspicion d’infectionpar le VIH. Bien que leurs récits rapportent des contaminationsdans le cadre du mariage qui pourraient leurconférer le statut de victimes, la notion d’infection àVIH même allusive suscite, par divers mécanismesrelativement complexes (la crainte de voir une informationdivulguée, la perception d’être contagieuse quiimpose l’évitement), une auto-stigmatisation qui metces femmes dans des situations d’impasse, empéchantle remariage de celles qui en auraient le désir.Cependant, les attitudes envers les veuves, quelleque soit la cause de leur veuvage, se rapprochentd’une forme de stigmatisation au moins aussi dure quecelle relative à l’infection à VIH. Les observationsrecueillies à Dakar n’ont pas d’équivalent rapporté parles publications concernant l’Afrique australe –où lesinégalités de considération et de statuts entrehommes et femmes prennent d’autres formes. Lasituation de « veuve vivant avec le VIH » apparaîtcomme une double vulnérabilité.En termes appliqués :L’enquête révèle combien les femmes veuves ontbesoin d’aides, en premier lieu au plan matériel,278

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