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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-6L’expérience du veuvage dans le contexte du VIHCependant les soutiens économiques sont soumis àdes changements dans la tonalité des relations entreaidant et aidé. Les enfants, qui dépendent de cette aide,vivent eux-mêmes les conséquences de toute fragilisationde la relation. Les conflits habituels, par exemple encas de co-résidence dans un foyer polygame, tournentau détriment de la femme veuve ; ainsi une femme expliird-00718213,version 1 - 16 Jul 2012Le cas de cette femme illustre la responsabilitéqu’endossent les veuves, qui ne disparait ni lorsqueles enfants sont devenus adultes ni lorsqu'elles-mêmesn’ont plus suffisamment de ressources alorsqu’elles vieillissent. Dévolue aux femmes même(relativement) âgées « prises dans les filets du devoirde filiation », cette responsabilité est décrite au Nordcomme au Sud (8) ; mais le fait que les femmes ysoient soumises même lorsqu’elles n’ont pas lesrevenus qui permettraient de l’exercer est plus particulièrementsaillant dans le contexte sénégalais.Quelques femmes ont la chance d’avoir un frère qui,grâce à des revenus stables, peut les prendre encharge avec leurs enfants.Bigué : J’en ai quatre (enfants), trois sont chez mamère au Saloum. Ils étudient là-bas. Il n’y a que leplus jeune qui vit avec moi chez mon frère. C’est luiqui nous prend tous en charge. Je n’ai pas deproblème financier. Même si j’ai envie d’allertravailler, il me dit de ne pas le faire et qu’il me prendraen charge. Il est au courant de mon statut.Les échanges sont parfois complexes, combinantdes contributions régulières aux dépenses du foyeret des dons individualisés réguliers ou exceptionnelsen fonction des ressources disponibles et desbesoins. Ainsi dans un foyer (Fanta) les aidescourent sur quatre générations. La femme veuve quis’exprime dans l’enquête a un revenu (elle gère unecantine) mais très limité ; elle est donc à la foisdépendante et responsable à plusieurs degrés,d’autant plus que les montants engagés sont troplimités pour assurer quotidiennement la couvertured’un minimum de dépenses personnelles.Fanta : Franchement je ne compte sur personne. Iln’y a qu’un de mes fils qui a un travail stable. C’estmon 3ème enfant, il travail à la SDE. Lui au moins, ilme soutient toutes les fins de mois, mais la sommeest trop petite. Ici c’est une maison familiale, puisqueje travaille, chacun participe. C’est pourquoi, lui ildonne plus d’argent à ma mère qui est mère defamille pour qu’elle achète du riz, de l’huile etc. Maismoi, parfois il me donne 10 000f, parfois il ne medonne rien. Son grand frère dont je te disais qu’il estsouffrant, est plombier, parfois il travaille, parfois ilchôme. Parfois il peut rester 6 mois sans travailleralors qu’il a une famille. Il a une femme et desenfants. Même ses enfants c’est moi-même qui lesprends en charge grâce à notre aide (association).Grâce à l’aide des associations, les enfants sont prisen charge. Ma fille s’est mariée cette année, maiselle faisait une formation en sage-femme depuisl’année passée. Elle n’a pas encore commencé detravailler. C’est son mari qui devait l’aider à m’aider,mais il a trop de charges puisque c’est lui qui lui paiesa formation et puis c’est cher.Si les femmes qui ont un niveau de ressources intermédiairesemblent mobiliser les mécanismes decirculation des ressources basés sur l’échange, avecdes contre-dons différés aux moments où les problèmesde santé créent des besoins urgents, danscertains cas le contre-don ne fonctionne pas, audétriment des femmes ; c’est une cause de repli surun foyer personnel ou parental. Il est difficile depercevoir dans quelle mesure cela relève des «exceptions à la règle » ou de la moindre valeur desengagements vis-à-vis de personnes au capitaléconomique et social dégradé, évntuellementperçues comme condamnées.Oumy : Pour l’instant, je suis chez ma mère. Je nevais plus à des cérémonies pour éviter les questions.Aussi, lorsque j’étais dans de meilleures conditions,j’ai eu à m’occuper de pas mal de gens. Mais lorsqueje suis tombée malade, la plupart d’entre eux m’ontoubliée. C’est pourquoi j’ai décidé de tout laisser. Dene me soucier que de ma personne et de ma famillequi s’est beaucoup sacrifiée pour moi. C’est pourquoije suis retournée habiter chez ma mère.La combinaison d’activités qui procurent un petitrevenu, et d’aides reposant sur l’obligation de soutiende la part de membres de la famille, permet à laplupart des femmes veuves de maintenir un équilibreprécaire malgré la modestie de leurs ressources :Daka : Moi je fais le linge et on me paie. En plus jefais un petit commerce. Je vends de la crème glacée,du jus etc. Je me prends en charge et mes enfantsaussi. Je vis seule avec mes enfants. C’est mon petitfrère qui assure ma location.Batouly : Moi je gérais un petit restaurant où jevendais le petit déjeuner et le déjeuner, mais maintenantj’ai arrêté à cause des inondations. Maintenant,je vends du savon. Avant c’est mon beau-frère chezqui je vis qui m’aidait financièrement, mais maintenantil a tout arrêté. Je ne m’entends pas avec sesfemmes. On a tout le temps des problèmes.259

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