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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE V-6Mesurer la stigmatisation : comparaison entre approches relativiste et universaliste auprès des veuvesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012tifs généraux d’égalité et de tolérance, tenus enpublic, peuvent cacher des attitudes et pratiquesstigmatisantes dans des situations particulières, oudans des espaces d’accès limité.Les dynamiques sociales et les forces structurellesqui provoquent la stigmatisation suscitent aussil’auto-stigmatisation chez les personnes vivant avecle VIH, une combinaison d’auto-dépréciation et deculpabilité. Peu analysée en Afrique, ses effets ontété décrits ailleurs : elle est associée à des formes desouffrance morale et de dépression, et contribue auxretards dans les recours aux soins. Au Cap (Afriquedu Sud), une étude réalisée auprès de PvVIH prisesen charge par les services socio-sanitaires montraitdes scores d’auto-stigmatisation élevés, en particulierchez les hommes, incluant des sentiments deculpabilité, de honte, de souillure, d’être responsablesde leur atteinte ; 40% de ces personnes avaientaussi subi une forme de discrimination. La crainte deces réactions avait conduit 60% des personnes interrogéesà ne pas partager leur statut sérologique(Simbayi et al. 2007). Cette étude montre aussi demanière précise l’ampleur de la souffrance que peutgénérer cette forme de stigmatisation (au sens globaldu terme).1.3. Les connaissances à propos de lastigmatisation au SénégalLa persistance d’un niveau élevé de stigmatisationau Sénégal, qui contraste avec les avancées réaliséesnotamment pour la prise en charge, est unconstat souvent répété. En attestent le fait qu’uneseule personne ait jusqu’en 2012 témoigné en publicde sa séropositivité (4) et accepté d’apparaître sansréserve lors de manifestations internationales. Enattestent également les documentaires ou les témoignagesde personnes vivant avec le VIH qui, trèsrécemment encore, rapportaient des actes et despropos stigmatisants assez violents, y compris de lapart de personnes de l’entourage ou de professionnelsde santé dont on attendrait qu’ils soient protecteursplutôt qu’accusateurs (5) .L’appréhension scientifique de la stigmatisation auSénégal repose jusqu’à présent essentiellement surdes mesures indirectes, au travers de scénariisoumis aux personnes enquêtées auxquelles ondemande de réagir, ou proposés par elles. L’EnquêteDémographique et de Santé réalisée en populationgénérale montrait en 2005 un score très faibled’acceptation vis-à-vis des personnes vivant avec leVIH : seulement 3,9% des femmes et 9,2% deshommes ont des attitudes positives. Ce score proposépar ONUSIDA est composé de quatre variables, quicorrespondent à autant de situations d’interactiondans la vie courante : accepter ou pas de soigner unepersonne de sa famille infectée par le VIH (71% desfemmes et 83% des hommes y sont favorables) ;acheter des légumes frais à un boutiquier atteint dusida (26% des femmes et 35% des hommes favorables); considérer qu’une institutrice vivant avec le VIHmais pas malade puisse continuer à faire l’école (39%des femmes et 43% des hommes favorables) ; cacherle statut VIH d’une personne de sa famille (32% desfemmes et 41% des hommes favorables). Seule laGuinée a un score plus faible en Afrique de l’ouest (6) .En 2011 une étude comparative sur six pays africainsréalisée à partir de scenarii écrits par des jeunes demoins de 25 ans permet de comparer les représentationssociales de la population générale jeune à cellesd’autres pays incluant un autre pays francophoneouest-africain, le Burkina Faso (Winskell, Hill, et Obyerodhyambo2011) (7) . Cette étude est centrée sur la« stigmatisation symbolique » définie comme celle quin’est déterminée que par des dimensions morales àl’exclusion des connaissances sur le VIH (qui pourraientconduire à la stigmatisation par crainte de la contagionpar exemple). Elle montre que dans les scenarii sénégalais,les travailleuses du sexe et les étrangers sontdésignés plus fréquemment qu’ailleurs comme sourcesde contamination ; les « hommes qui ont des relationsavec les hommes » le sont aussi, mais à cet égard lesattitudes sont similaires dans les autres pays. Lespropos sénégalais fustigent la promiscuité (l’ordre defréquence de la mention de cette notion étant inversementproportionnel au taux de prévalence du VIH dansles six pays) mais ne condamnent pas systématiquementet ne sont pas violents envers les personnesatteintes, qui sont souvent présentées comme victimesde leurs erreurs « aveugles ». Cependant les personnesvivant avec le VIH sont aussi fréquemment soupçonnéesde vouloir infecter délibérément d’autres personnes. Lesattitudes s’appuient sur des références à la religion,utilisée de manière ambivalente, comme un ordre moralde référence légitimant pour certains la condamnationdes personnes qui le transgressent, alors que pourd’autres la reconnaissance de la toute-puissance divinejustifie l’absence de jugement et l’exercice de labienveillance par les hommes qui doivent « accepter » lamaladie et les malades individuellement et collectivement.(4) Ismaël Goudiaby, décédé en 2011, qui fut le premier président du réseau RNP+(5) Voir notamment les propos tenus lors du 10ème anniversaire du CTA en 2011(6) http://hivdata.measuredhs.com/(7) Les autres pays sont la Namibie, le Nigéria, le Kenya et le Swaziland.383

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