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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-6L’expérience du veuvage dans le contexte du VIHird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012-Oui, elle le sait.E : Est-ce qu’ils ont essayé de te donner en mariageau sein de la famille ?-Si, mais c’est moi qui n’en veux plus.Maguette : Le frère quant à lui ne fait aucun effort.D’ailleurs, depuis que mon enfant est décédé en2006, il n’a plus remis les pieds ici... Souvent quandon se croise, il dit qu’il a honte, je lui dis il n’y a pas deproblème, si son père était ici il n’allait pas se comporterainsi.La question du VIH dans l’histoire des relationsfamilialesL’exploration des relations des femmes avec leur bellefamillerapporte très peu de propos explicitement liés auVIH. La plupart des femmes n’ont été informées de leurstatut sérologique qu’au moment du décès ou après ledécès de leur mari ; dans plusieurs cas, des membresde la belle-famille (comme des frères ou une sœur dudéfunt) étaient au courant car les médecins les avaientprévenus, mais ils n’avaient pas informé la femme.Les femmes ont généralement informé une ou deuxpersonnes de leur statut sérologique, le plus souventla personne qui les aide financièrement, et éventuellementun ou deux enfants. Mais quelques femmesn’ont informé personne. On retrouve là le schémaobservé auprès de l’ensemble des patients de lacohorte ANRS 1215.Le régime du « non-dit » apparent à propos du VIHdans les entretiens conduit à suspecter sans pouvoiraffirmer que certaines réactions de tiers sont liées àla crainte de l’infection ou à la condamnation de lafemme en lien avec le VIH. Ainsi la réaction de cefrère d’une femme, qui paie le loyer de sa sœurdepuis 9 ans sans vouloir renouer des relationsrompues au moment du décès de son mari :Daka : Moi par exemple, lorsque mon mari estdécédé, ma mère a appelé mon frère, l’aîné de lafamille qui est aux USA pour le lui annoncer, mais illui a dit que je ne serais pas la bienvenue chez lui.E : Pourquoi il l’a dit ?Daka : Je l’ignore. Mais, en tout cas, lorsque mamère lui a parlé de ma situation parce que j’étaisenceinte, il n’a pas voulu m’aider. Même jusqu’àprésent, chaque fois qu’il vient au Sénégal, il nepasse même pas me dire bonjour.D’autres réactions qui semblent paradoxales –uneproximité de la belle-famille suivie d’une rupture desrelations, des excuses de la part de collatéraux dudéfunt- attestent des situations conflictuelles et desbouleversements introduits par le VIH et par ledécès, qui n’ont toujours pas été résolus plusieursannées plus tard.L’évitement, probablement motivé entre autres par lagène et la volonté de se protéger vis-à-vis dequelqu’un condamné à mourir, voire perçu commecontaminant, était une attitude répandue en 2002,lorsque cette femme a vu ses belles-sœurs pour ladernière fois. Leur réaction huit ans plus tard, lorsqueles antirétroviraux lui ont permis de retrouver unebonne santé, laisse penser que ses ex-belles sœursavaient anticipé qu’elle vivrait la même évolution dela maladie que son conjoint.Oumy : Mes beaux-parents sont décédés. J’avais desrelations avec mes belles-sœurs, mais, après le décèsde leur frère, je suis restée hospitalisée durant unmois, je ne les ai vues qu’une seule fois. C’est pourquoi,depuis lors, moi aussi j’ai coupé les ponts. Il y aquatre mois, il y avait un parent de mon défunt mari quiest décédé à Ouakam, ma mère m’avait demandé d’yaller, mais je lui ai dit que je préférais attendre un autrejour car je n’aimerais pas croiser ma belle-famillelà-bas. Malgré cela, lorsque j’y suis allée deux joursaprès, je les ai vus là-bas. Mais mes belles-soeursétaient très surprises. Ils ne savent certainement pasde quoi je souffrais, mais lorsqu'elles étaient venuesme voir à l’hôpital, j’étais trop fatiguée et maigre. Maisj’ai beaucoup changé entre temps. Elles nes’attendaient pas à me voir dans cet état.Bien que les propos des femmes soient assez allusifsà cet égard, on perçoit la complexité des relationsavec les belles-familles au moment du décès duconjoint. Les belles familles pouvaient être plus oumoins bien informées de ce que savait ou ne savaitpas la veuve, et croire, notamment à la fin desannées 1990, avant l’arrivée des antrétroviraux, queles veuves et les enfants tous infectés ne survivraientpas longtemps au défunt.Dans les limites de notre enquête nous n’avonsmalheureusement pas pu explorer le rôle que lesfemmes et les belles-familles ont joué pendant lesderniers mois de vie du défunt. Les attitudes desbelles-familles et des femmes sont probablementmarquées par la manière dont le diagnostic et lemode de contamination ont été dits ou cachés et parles spéculations et attributions de la responsabilité del’un ou l’autre conjoint dans l’atteinte du couple.261

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