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Thèse 1999 - UFR Droit et Sciences Sociales

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des normes juridiques. Toutefois, la question de l'applicabilité aux normes des<br />

principes logiques de non-contradiction <strong>et</strong> d'inférence doit être prise en<br />

compte pour le cas d'un conflit de normes <strong>et</strong> pour le cas de l'application d'une<br />

norme générale au cas concr<strong>et</strong>. Dans ces cas, il s'agit du problème de<br />

l'acquisition <strong>et</strong> de la perte de la validité des normes. Cela n'est pas possible par<br />

la voie de la pensée, pas même d'une pensée “juridique”. En ce sens, il ne peut<br />

y avoir quelque chose qui soit une pensée “juridique” (35) ".<br />

On ne saurait être plus clair. Hors d'une fonction législative ou<br />

prétorienne, les prescriptions des juristes ne sont pas à même de modifier<br />

l'état du droit positif. Mais dire qu'il n'existe pas de pensée “juridique” ou, de<br />

manière moins polémique, que les énoncés <strong>et</strong> les interprétations nonauthentiques<br />

n'ont aucun eff<strong>et</strong> sur la validité des normes interprétées signifie<br />

que leurs contributions à la science du droit sont soit descriptives, soit<br />

politiques : "le juriste qui, dans un commentaire qu'il publie, distingue l'une<br />

des interprétations possibles comme la seule “exacte”, ne [remplit] pas une<br />

fonction de science juridique, mais une fonction de politique juridique (36) ". Et<br />

plaidant contre le dogme de la solution unique, Kelsen en dénonce l'illusion :<br />

"l'interprétation juridique doit éviter avec le plus grand soin la fiction qu'une<br />

norme juridique ne perm<strong>et</strong> jamais qu'une seule interprétation, l'interprétation<br />

“exacte” ou “vraie”. C'est là une fiction dont la science du droit traditionnelle<br />

se sert pour maintenir l'idéal de sécurité juridique. Or, étant donné<br />

l'ambiguïté qui affecte, plus ou moins, la plupart des normes juridiques, c<strong>et</strong><br />

idéal n'est réalisable qu'approximativement (37) ".<br />

Sans conteste, Kelsen reconnaît à c<strong>et</strong>te fiction d'univocité une utilité<br />

politique, mais il considère néanmoins que le juriste qui proclame "qu'une<br />

interprétation qui est peut-être d'un point de vue politique-subjectif,<br />

préférable à une autre qui est logiquement possible, est la seule exacte d'un<br />

point de vue objectivement scientifique (38) ", fait passer pour une vérité<br />

scientifique ce qui n'est jamais qu'un simple jugement de valeur politique. Il<br />

(35) H. KELSEN, Théorie générale des normes, précité, chapitre 58, p.329.<br />

(36) H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. par Ch. Eisenmann, Paris, Dalloz, 2ème éd., 1962, n°47, p.463.<br />

(37) H. KELSEN, Théorie pure du droit, 2ème éd., 1962, précité, n°47, p.463 ; Théorie pure du droit, 1ère éd.,<br />

1953, rééd., 1988, précité, p.155 ; sur la distinction entre actes de connaissance <strong>et</strong> actes de volonté :<br />

M. TROPER, "La liberté d'interprétation du juge constitutionnel", in P. AMSELEK (dir.) Interprétation <strong>et</strong> droit,<br />

Bruxelles, Bruylant, Aix-en-Provence, PUAM, 1995, p.235. L'auteur éclaire la confusion qui consiste à penser<br />

qu'en déterminant l'interprétation “ vraie ”, le juge fait un acte de connaissance. En réalité, non seulement le<br />

juge ne détermine pas l'interprétation vraie, mais en désignant "l'unique solution", il fait un acte de volonté. En<br />

revanche, le droit fonctionne conformément à la croyance que "l'interprétation [judiciaire] est un acte de<br />

connaissance".<br />

(38) H. KELSEN, Théorie pure du droit, 2ème éd., 1962, précité, n°47, p.463.<br />

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