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Thèse 1999 - UFR Droit et Sciences Sociales

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245<br />

hauts magistrats seraient-ils imperméables aux opinions doctrinales ? Les<br />

conclusions <strong>et</strong> les rapports publiés montrent aujourd'hui pourtant le contraire.<br />

Si leurs auteurs préfèrent dessiner un conducteur historique continu au<br />

moyen de décisions de la Cour pour expliquer ses différentes positions, ils ne<br />

délaissent pas la littérature doctrinale, surtout quand ils considèrent que<br />

l'ancienne jurisprudence était par trop erronée (874) . Pareillement, quand le<br />

haut magistrat se livre à une exégèse de textes dont il relève l'ambiguïté, il<br />

peut en éclairer le contenu au moyen des différentes interprétations dégagées<br />

par les professeurs spécialistes de la matière (875) . Ce type de discours ne révèle<br />

pas, naturellement, une soumission du pouvoir judiciaire au pouvoir<br />

scientifique, mais l'absence d'étanchéité des savoirs montre non seulement<br />

que la Cour de cassation n'est pas insensible aux prescriptions doctrinales,<br />

mais surtout que la résolution des conflits d'interprétation n'est pas qu'une<br />

affaire de pouvoir. À travers l'idée que l'assemblée plénière doit unifier<br />

l'interprétation, il ne s'agit pas pour elle de désigner l'unique fondement<br />

possible mais de convaincre l'ensemble des juristes que la solution désignée<br />

devait légitimement prévaloir. La question du pouvoir normatif de la Haute<br />

juridiction se dédouble donc. S'adressant aux justiciables voire à la pratique,<br />

les énoncés prétoriens s'imposent par la place hiérarchique de la juridiction ;<br />

mais à l'adresse de la doctrine, parce qu'il s'agit bien d'un point de vue savant,<br />

le discours des magistrats est en quête de légitimité.<br />

158. La tension entre interprètes - "La qualité <strong>et</strong> l'autorité croîtraient aux<br />

dépens de la quantité sans ralentir la marche de la justice (876) ", car tel est bien<br />

le but de c<strong>et</strong>te démarche : augmenter l'autorité doctrinale de la Cour de<br />

cassation face aux autres pouvoirs normatifs. N'en doutons pas ; l'enjeu de<br />

c<strong>et</strong>te controverse sur le style des arrêts recèle une prise de parti fondamentale<br />

(874)<br />

Quand il s'est agi de résoudre la question très controversée du point de départ des intérêts d'une somme<br />

détenue en exécution d'une décision de justice exécutoire, par la suite anéantie, M. le Premier avocat général<br />

JEOL soulignait les erreurs qui avaient conduit la Cour à considérer le versement effectué comme un paiement<br />

indu <strong>et</strong> à adm<strong>et</strong>tre que le détenteur de la somme était un accipiens de mauvaise foi "censé connaître les vices<br />

du titre litigieux". "A la vérité, nous disait M. JEOL, s'il y avait un vice, c'était plutôt dans le raisonnement de<br />

la Cour de cassation" <strong>et</strong> concluait : "vous pouvez tout décider avec seulement la certitude que votre arrêt, quel<br />

qu’il soit, ne fera pas l’unanimité (…) mais il est souhaitable, sur un problème auquel le mauvais<br />

fonctionnement de la justice confère tant d’importance pratique, que votre assemblée plénière éclaire<br />

l’ensemble de la matière <strong>et</strong> ne se borne pas, après deux siècles de palinodies <strong>et</strong> de flottements, à trancher la<br />

moitié du débat!" Cass. ass. plén., 3 mars 1995, concl. M. JEOL, Gaz. pal. 17-18 mai 1995, p.16.<br />

(875)<br />

Voir par exemple, Avocat général WEBER, concl. pour Cass. ass. plén., 5 décembre 1997, JCP<br />

1998.II.10006.<br />

(876)<br />

A. TOUFFAIT <strong>et</strong> A. TUNC, "Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de<br />

celles de la Cour de cassation", RTD civ. 1974, p.505.

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