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Thèse 1999 - UFR Droit et Sciences Sociales

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obj<strong>et</strong> ? Ce sont des interrogations qu'elle mène soit sur des hypothèses<br />

pratiques, soit sur des cas imaginaires. Dans tous les cas, elle fait apparaître<br />

l'imperfection des réponses positives en dénonçant leurs ambiguïtés.<br />

4. Discours doctrinal <strong>et</strong> ambiguïté - L'énoncé ambigu doit se distinguer de<br />

l'énoncé polysémique ou polyvoque car il ne se réduit pas à une collection<br />

d'énoncés univoques (11) . C'est une propriété intrinsèque du discours juridique<br />

centré sur lui-même qui noue de manière soit indicible, soit contradictoire,<br />

soit prohibée, des concepts supposément incompatibles. "L'ambiguïté, c'est le<br />

problème du sens multiple en sa diversité irréductible, en sa possibilité<br />

même (12) ". Ce qui nous paraît décisif, c'est la variabilité du contenu<br />

sémantique de l'énoncé ambigu. Cela laisse penser que, plus qu'un contenu<br />

incertain, polyvoque ou contradictoire, "l’ambiguïté dénoncée" est un<br />

contenant, disons un raisonnement ou un processus mental qui, d’une part,<br />

perm<strong>et</strong>trait de prescrire un déni dans les termes du débat posés a priori afin<br />

d’affirmer que les modalités positives d’énonciation des questions sont<br />

insusceptibles de produire des réponses satisfaisantes, justes, raisonnées ou<br />

cohérentes, <strong>et</strong> qui, d’autre part, invite à une recomposition du débat <strong>et</strong> de ses<br />

éléments (13) . C'est pourquoi, quand la doctrine dénonce "l'ambiguïté" d'un<br />

énoncé juridique, son discours opère comme un révélateur paradoxal ; il<br />

garantit sous l'invariance du vocabulaire une apparence de stabilité<br />

(11)<br />

Sur la distinction entre ambiguïté <strong>et</strong> polysémie, voir G. CORNU, Linguistique juridique, Paris,<br />

Montchrestien, 1990, p.90 : "L'amphibologie ou l'ambiguïté est un accident de la polysémie. Elle se produit<br />

lorsque dans un texte, un terme polysémique est utilisé par le locuteur de telle manière qu'il crée pour le<br />

récepteur l'équivoque, c'est-à-dire le doute <strong>et</strong> l'hésitation sur celui des sens dans lequel il faut alors prendre le<br />

terme. (…) L'amphibologie suppose donc la polysémie, mais la réciproque n'est pas vraie. La polysémie crée<br />

un risque de confusion ; elle ne débouche pas toujours sur la confusion. Le risque ne se réalise que par<br />

l'emploi vicieux ou atypique qui en est fait dans un discours" ; également O. DUCROT <strong>et</strong> T. TODOROV,<br />

Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972, p.303-304 : "L'ambiguïté doit être<br />

distinguée de l'extension sémantique : la plupart des expressions ont une signification très générale, qui leur<br />

perm<strong>et</strong> de décrire des situations très différentes. Mais on ne considère pas le mot “ véhicule ” comme ambigu<br />

sous prétexte qu'il peut se dire d'une bicycl<strong>et</strong>te comme d'un camion, ni non plus “ aimer ” sous prétexte que<br />

l'on peut aimer son père <strong>et</strong> aimer la confiture. Dans ces exemples, en eff<strong>et</strong>, une signification générale semble<br />

commune à tous les emplois de la même expression : seulement c'est une signification très large <strong>et</strong> abstraite.<br />

On en dira autant lorsque c<strong>et</strong>te abstraction devient indétermination (les philosophes anglais parlent de<br />

vagueness). Beaucoup d'expressions, non seulement décrivent des situations très différentes, mais laissent<br />

indéterminé, dans certains cas, si elles doivent être ou non employées : il y a une infinité de cas-limites où on<br />

ne saurait ni nier, ni affirmer que quelqu'un est chauve, qu'il est heureux ou qu'il réussit. Mais c<strong>et</strong>te<br />

indécidabilité dans les cas-limites n'empêche pas l'existence de cas clairs qui perm<strong>et</strong>tent de donner à<br />

l'expression - à l'intérieur d'un certain domaine - une caractérisation univoque".<br />

(12)<br />

D. VERNANT, v° Ambiguïté, Les notions philosophiques, tome 1, Paris, PUF, 1991 ; adde, C. FUCHS,<br />

L'ambiguité du français, Grenoble, Ophrys, 1996.<br />

(13)<br />

Cf. R. LANDHEER, Aspects linguistiques <strong>et</strong> pragmatico-rhétoriques de l'ambiguïté, <strong>Thèse</strong>, Leyde, 1984 ;<br />

voir également M. KAHLOUL, Les procédés argumentatifs du discours judiciaire français : étude de<br />

pragmatique linguistique, <strong>Thèse</strong> Strasbourg 2, 1994.<br />

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