Thèse 1999 - UFR Droit et Sciences Sociales
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les critiquant, s'appuient sur les concepts développés par l'École analytique<br />
pour dessiner leur propre théorie de l'interprétation. À bien y regarder tous<br />
seraient d'accord pour adm<strong>et</strong>tre que les choix opérés par les interprètes parmi<br />
les significations possibles sont politiques (48) , à ceci près que les jusnaturalistes<br />
considèrent que le droit naturel <strong>et</strong> la morale constituent un guide objectif de<br />
l’action politique <strong>et</strong> qu’en cela, une doctrine qui ne dirait pas le juste, ne serait<br />
point docte (49) .<br />
Enfin, contre le normativisme <strong>et</strong> le naturalisme, les thèses développées par<br />
"Formalism, realism, and the concept of law", Law and Philosophy 13, 1994 p.115-159 ; D. WILKINS, "Legal<br />
Realism for Lawyers", 104 Harvard L. Rev. 468 [1990]). Il se ramène simplement à ce que disent les juges.<br />
Holmes entend par "droit" : "les prophéties de ce que feront effectivement les cours <strong>et</strong> les<br />
tribunaux" (O. W. HOLMES, "The Path of the law", 10 Harvard L. Rev. 457 (1897) ; réimpr. 110 Harvard L.<br />
Rev. 989 (1997), n° spécial du centenaire ; R. POUND, "The theory of judicial decision", 36 Harvard L. Rev.<br />
954 [1923]). La connaissance du droit consiste à prévoir les solutions futures de sorte que les juristes ont<br />
essentiellement une activité prédictive (pour un point compl<strong>et</strong> : F. MICHAUT, "L'approche scientifique du droit<br />
chez les réalistes américains", in P. AMSELEK (dir.), Théorie du droit <strong>et</strong> science, Paris, LGDJ, 1994, p.265).<br />
Aujourd'hui, le mouvement des Critical legal studies aborde la théorie à partir de la teneur politique du droit.<br />
De ce point de vue, il s'agit encore de montrer les rapports qu'entr<strong>et</strong>iennent la méthodologie juridique <strong>et</strong> les<br />
groupes sociaux (Pour une bibliographie détaillée, v°Critical legal studies, Dictionnaire de théorie <strong>et</strong><br />
sociologie du droit, Paris, LGDJ, 2ème éd., 1993). Empruntant de manière éclectique au<br />
réalisme (A. ALTMANN, "Legal realism, critical law studies and Dworkin", Philosophy and public affairs 15<br />
(1986): 205), au marxisme, au féminisme (K. BARTLETT, "Feminist legal m<strong>et</strong>hods", 103 Harvard L. Rev. 829<br />
[1990]) ou au communautarisme (FREEMAN, "Racism, Rights, and the quest for equality of opportunity : a<br />
critical legal essay", 23 Harvard C. R-C. L. L. Rev. 295 (1988) ; CRENSHAW, "Race, reform and<br />
r<strong>et</strong>renchment : transformation and legitimation in anti-discrimination law", 101 Harvard L. Rev. 1331 [1988]),<br />
les Critical legal studies proposent des instruments conceptuels perm<strong>et</strong>tant de s'interroger sur la manière dont<br />
le politique affecte l'activité du juge (D. KENNEDY, A critique of adjudication (fin de siècle), Cambridge,<br />
Harvard U.P., 1997 ; voir P. TCHIAPKE, Les théories de l'interprétation constitutionnelle aux États-Unis,<br />
<strong>Thèse</strong> Paris X, 1992). Dans c<strong>et</strong>te perspective, la doctrine ne décalque pas l'état du droit positif mais justifie ou<br />
combat un ordre établi. En France, c'est le point de vue défendu par le mouvement critique du droit emmené<br />
notamment par M. le professeur Miaille (v. M. MIAILLE, "La critique du droit", <strong>Droit</strong> <strong>et</strong> société, n°20-21,<br />
1992, p.73).<br />
(47)<br />
Pour l’examen des thèses de l’École analytique, voir J. FINNIS, Natural law and natural rights, Oxford,<br />
Clarendon Press, 1980, p.3-22. Les partisans des thèses jusnaturalistes étant, eux, capables d'affirmer qu'une<br />
solution juste doit pouvoir être découverte par l'équité, c<strong>et</strong>te "sorte d'instinct, qui sans faire appel à la raison<br />
raisonnante, va de lui-même <strong>et</strong> tout droit à la solution la meilleure" (F. GENY, Méthode d'interprétation <strong>et</strong><br />
sources en droit privé positif, tome 2, Paris, LGDJ, 2ème éd., 1919, p.488), la doctrine occupe dans c<strong>et</strong>te<br />
perspective, une place évidemment centrale (A. SERIAUX, "Les sources du droit, vision jusnaturaliste", RRJ<br />
1990, p.166 ; M. VILLEY, Leçons d'histoire de la philosophie du droit, Paris, Dalloz, 1962, p.292 ; Ph. REMY,<br />
"Philosophie de l'ordre civil positif", in G. PLANTY-BONJOUR <strong>et</strong> R. LEGEAIS (dir.), L'évolution de la<br />
philosophie du droit en Allemagne <strong>et</strong> en France depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Paris, PUF,<br />
1991, p.157-158). Comme toutes les autorités en charge de dire le droit, la doctrine énonce des solutions en<br />
répondant à des questions. Tendue vers le juste objectif, la méthodologie jusnaturaliste invite le juriste à saisir<br />
la juste mesure du droit ; une mesure que le docteur par son recul est mieux à même de découvrir. Sans doute,<br />
la doctrine n'est pas infaillible mais son détachement des espèces lui perm<strong>et</strong> de tracer les principes qui<br />
guideront l'interprétation des autorités habilitées (A. SERIAUX, Le droit, une introduction, Paris, Ellipse, 1997,<br />
p.214-224 ; "La notion de doctrine juridique", <strong>Droit</strong>s-20, p.65). Encore faut-il qu'elle suive les préceptes de la<br />
science jusnaturaliste <strong>et</strong> qu'elle ne refuse pas de raisonner en équité à l'occasion de chaque cas.<br />
(48)<br />
Sur les sens de “ politiques ”, voir L. STRAUSS, Qu’est-ce que la philosophie politique ?, trad. par<br />
O. Sedeyn, Paris, PUF, 1992, p.15 s.<br />
(49)<br />
A. SERIAUX, Le droit, une introduction, précité, p.222.<br />
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