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Thèse 1999 - UFR Droit et Sciences Sociales

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CHAPITRE 2<br />

La force du discours doctrinal<br />

318<br />

200. Pouvoir <strong>et</strong> devoir - Les juristes ne se prennent pas pour des prophètes mais<br />

ils doivent aujourd'hui naviguer entre ce qui est possible pour eux dans leurs<br />

activités explicatives ou prédictives, <strong>et</strong> l'image que l'on se fait de leur rôle.<br />

Une chronique de M. le professeur Mestre soulignait "l'extrême difficulté pour<br />

un juriste à écrire quelque chose sans risque d'erreur, d'omission ou de<br />

contradiction (1086) ", <strong>et</strong> montrait simplement que les limites du pouvoir de la<br />

doctrine se trouvaient dans la controverse, fût-elle non ouverte. La mesure des<br />

eff<strong>et</strong>s des prescriptions doctrinales est donc une chose bien impossible car le<br />

discours doctrinal tire justement sa force des questions qu'il pose, plus que des<br />

solutions qu'il propose.<br />

L'adoption d'un point de vue explicatif, extérieur au mode d'évolution du<br />

droit, donne aux argumentations doctrinales la force de transformer les<br />

concepts tenus pour des réalités. Le discours doctrinal a un eff<strong>et</strong> performatif<br />

dans la mesure où les arguments de la doctrine ont pour conséquences de<br />

convaincre que des concepts sont devenus des réalités, puis de convaincre que<br />

ces hypostases sont caduques <strong>et</strong> n'ont d'autre place que celle que leur laissera<br />

l'histoire du droit. Mais si la doctrine n'a pas le pouvoir de poser formellement<br />

des normes, elle a, à l'inverse, la capacité de dresser un état des questions <strong>et</strong>, si<br />

l'on adm<strong>et</strong> volontiers que "la règle jurisprudentielle ne résiste pas aux<br />

critiques de la doctrine (1087) ", c'est surtout parce que le travail critique des<br />

auteurs a la force d'un discours (quasi-)performatif. Les mots de la doctrine,<br />

dès lors qu'elle s'interroge, sont capables de transformer l'état d'une question,<br />

qu'elle soit tranchée ou controversée. C<strong>et</strong>te puissance de la parole du juriste<br />

faisait dire à M. le professeur Bourdieu que "le discours juridique est une<br />

parole créatrice, qui fait exister ce qu'elle énonce. Elle est la limite vers<br />

laquelle prétendent tous les énoncés performatifs, bénédictions, malédictions,<br />

ordres, souhaits ou insultes (…) à l'opposé de tous les énoncés dérivés,<br />

(1086) J. MESTRE, "Cause du contrat <strong>et</strong> objectif de défiscalisation", D. 1995, chr., p.34 ; chronique en réponse à<br />

P. DIENER, "A propos d'une prétendue absence de cause", D. 1994, chr., p.347.<br />

(1087) G. SCALFI <strong>et</strong> E. ROMAGNOLI, "Rapport général", in La réaction de la doctrine à la création du droit par<br />

les juges, Trav. Ass. Henri Capitant, tome XXXI, 1980, Paris, 1982, p.16.

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