Bieler Jahrbuch 2007 - mémreg - regionales Gedächtnis
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6<br />
une dimension particulière, presque spirituelle. Car<br />
l’Amérique est ma religion. Certains croient en un<br />
dieu, et cela leur donne assez d’espoir pour vivre.<br />
Mais ce dieu n’est pas le même pour tous. Pour<br />
moi, le maître spirituel, c’est un pays idéalisé. Bien<br />
sûr, une terre n’est pas une divinité, mais chacun<br />
a le droit de l’aimer jusqu’à la rendre sainte à ses<br />
yeux. Et mon pays adoré garde une part de mystère.<br />
Je ne connais pas le visage réel de l’Amérique. Je<br />
pourrais le découvrir en allant fouler son sol, mais<br />
pourquoi le feraisje? Qui voudrait contempler le<br />
Royaume des Cieux avant d’y être contraint? Un<br />
fou, certainement, qui ne prendrait plus le temps<br />
de meubler son Paradis. Il faut apprendre à rêver<br />
un lieu avant d’y mettre les pieds, au risque d’une<br />
déception, bien sûr, lorsque la réalité est trop audessous<br />
du fantasme. Mais cela peut également<br />
réserver une merveilleuse surprise. Arrivé au ciel,<br />
vous découvrez qu’il y a trois sacs d’or là où vous<br />
n’aviez pensé trouver qu’une pièce et, au lieu d’un<br />
ciel étoilé, vous voyez des astres qui brillent comme<br />
des lunes. On pense qu’un lieu merveilleux nous<br />
attend quelque part, mais on sait bien que lorsqu’il<br />
nous sera permis d’y aller, ce sera également la fin de<br />
notre vie.<br />
Voilà pourquoi j’attends d’arriver à la fin de ma<br />
vie pour entreprendre un voyage en Amérique.<br />
Aujourd’hui, l’envie m’a prise de l’annoncer dans<br />
ce discours écrit. Observez qu’une femme inspirée à<br />
décidé de faire connaître son Paradis au public: dans<br />
votre ville, il y a donc des personnes assez sûres de<br />
l’importance de leurs pensées pour qu’elles en fassent<br />
part à tous. Mon rêve peut sembler banal, mais<br />
il est bien plus que le désir d’un jour. Mon Amérique,<br />
il me faudra une vie pour l’atteindre. Et jusqu’à<br />
ce que j’atterrisse sur son sol, elle sera mon espoir.<br />
Quand je suis malheureuse, je pense simplement:<br />
«L’Amérique».<br />
Je vous l’accorde: je raconte la perfection d’un pays<br />
et j’en dis finalement peu sur moi. Vous ne savez<br />
pas qui je suis, ni ce que je fais de ma vie. Je n’ai<br />
pas envie de vous dévoiler mon identité. Mais j’ai<br />
déjà fait un grand effort en vous racontant mon rêve:<br />
désormais, je suis à la merci des remarques les plus<br />
crues. Aujourd’hui est un jour hors du commun. J’ai<br />
décidé de sortir de la masse pour crier haut et fort<br />
que je ne suis pas tout à fait comme les autres. De<br />
mon travail, vous ne saurez rien, lecteurs; je ne vous<br />
mettrai pas dans la position de voyeurs de chaque<br />
détail de mon intimité. Je veux simplement essayer<br />
de vous donner un aperçu des vies de ce monde, ou<br />
plutôt, des vies de votre ville et de la vie des Américains.<br />
Sous un certain angle, je suis comme vous, une<br />
Biennoise. Bienne n’est pas Atlanta ou La NouvelleOrléans,<br />
mais je lui voue une tendresse que je<br />
n’adresse à aucune autre ville. Ce n’est pas la fascination<br />
des cités aux gratteciels. Je connais Bienne,<br />
je la vois chaque jour de mes propres yeux. Bienne<br />
n’est pas un paradis, pas même un havre de paix.<br />
Elle est tant d’images et d’identités à la fois qu’il est<br />
impossible de s’en tirer avec une seule phrase. Elle<br />
n’a pas la netteté de l’Amérique. Elle est un chaos<br />
qui change de forme à tous les coins de rues. Je lui<br />
trouve un caractère subtil et irrésistible. Cela vaut<br />
bien que je m’y attarde le temps de quelques pages.<br />
Et Bienne n’échappera pas à une mise en relation<br />
avec ma parfaite Amérique.<br />
Vous l’avez remarqué, je parle de Bienne au féminin.<br />
Cela m’est venu naturellement. La féminité de<br />
Bienne découle de la logique: elle est une adolescente<br />
qui se sent grandir sans savoir quelle direction elle<br />
doit prendre. Elle n’est pas autonome. Elle attend<br />
que l’on s’occupe d’elle, qu’on la câline, qu’on lui<br />
tienne la main. Elle est lunatique. Un jour, la voilà<br />
noire, le lendemain, elle revêt le rose; elle change de<br />
couleur selon le moral de ceux qui l’habitent. Elle<br />
espère qu’une bonne âme voudra bien la prendre<br />
en charge. Tiraillée dans tous les sens, elle n’arrive<br />
plus à dire qui elle est. La jeune fille nommée Bienne