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Violences d'aujourd'hui, violence de toujours - Rencontres ...

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<strong>Violences</strong> d’aujourd’hui, <strong>violence</strong> <strong>de</strong> <strong>toujours</strong><br />

Rome impériale, qui fonctionnera jusqu’à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime<br />

comme matrice conceptuelle du droit pénal européen, perpétue<br />

cette <strong>violence</strong> corporelle et judiciaire. La torture, d’abord réservée<br />

aux esclaves, peut s’abattre sur les individus <strong>de</strong> condition libre.<br />

L’infamie et la flétrissure du corps, la torture menant à l’aveu,<br />

l’exécution publique sont les gran<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> la pénalité qui,<br />

pendant au moins un <strong>de</strong>mi-millénaire, ont encadré les pratiques<br />

coutumières <strong>de</strong> la justice.<br />

Le paroxysme <strong>de</strong> cette pénalité corporelle a coïncidé en Europe<br />

avec le paroxysme <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> la souveraineté absolue <strong>de</strong><br />

l’Etat. Il existe un lien très fort entre le spectacle <strong>de</strong> la douleur et<br />

l’affirmation, sur à peu près un <strong>de</strong>mi-millénaire, d’une<br />

souveraineté absolue <strong>de</strong> l’Etat, qui a besoin <strong>de</strong> marquer les<br />

individus pour les reconnaître. Vers 1800, alors que la culture<br />

politique <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> droit s’impose, la pénalité se désincarne<br />

progressivement. Dans l’histoire <strong>de</strong>s idées, c’est le triomphe <strong>de</strong>s<br />

Lumières, <strong>de</strong> l’humanitarisme, <strong>de</strong> l’utilitarisme d’un Voltaire, <strong>de</strong><br />

Beccaria, Gladstone ou Bentham. C’est surtout la séparation<br />

radicale, pour la première fois, <strong>de</strong> la <strong>violence</strong> corporelle et du droit<br />

pénal. La <strong>violence</strong> corporelle est simplement remplacée par un<br />

autre type <strong>de</strong> correction, beaucoup plus désincarnée :<br />

l’enfermement carcéral, dont l’histoire a été faite à partir <strong>de</strong><br />

Surveiller et punir. J’insiste sur ce point, parce que je crois que la<br />

prison constitue le revers sombre et obligatoire du contrat social<br />

mo<strong>de</strong>rne, puisqu’elle permet <strong>de</strong> désincarner le très ancien système<br />

qui associait le corps et la justice. La culture politique <strong>de</strong>s<br />

démocraties européennes va notamment dans le sens <strong>de</strong> l’abolition<br />

<strong>de</strong> la peine capitale, dont l’histoire, très précoce, commence dans<br />

les régimes sociaux-démocrates à la toute fin du XIX e siècle. Ce<br />

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