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Violences d'aujourd'hui, violence de toujours - Rencontres ...

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<strong>Violences</strong> d’aujourd’hui, <strong>violence</strong> <strong>de</strong> <strong>toujours</strong><br />

pas traiter le sujet, mais je crois qu’il faut le laisser <strong>de</strong> côté par<br />

souci <strong>de</strong> compétence anthropologique. Extase, mutilation,<br />

endurance, plaies sacralisant la quête purificatrice ou la volonté <strong>de</strong><br />

fusion entre les visionnaires et la divinité : il y a toute une<br />

technique du corps, écrivait Mauss en 1934, qui autorise l’homme<br />

à communiquer immédiatement avec son dieu.<br />

Il est vrai que les sociologues, qui recherchent souvent <strong>de</strong>s<br />

modèles comparatifs pour les cultures contemporaines, ont<br />

analysé la pratique du body piercing comme une sorte <strong>de</strong><br />

continuation, dans une culture urbaine et désacralisée, <strong>de</strong> cette<br />

signalétique ancienne. Le piercé d’aujourd’hui serait un peu<br />

comme le prisonnier du XIX e siècle, qui incarnait son appartenance<br />

au milieu par la culture du tatouage. L’individu piercé incarne son<br />

adhésion à un groupe social qui ne relève ni <strong>de</strong> la famille, ni du<br />

travail, ni d’un parti politique, ni du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommation<br />

dominant que l’esthétique du corps juvénile lisse valorise. Le<br />

piercing, l’automutilation est dans notre espace <strong>de</strong> société une p.175<br />

forme très visuelle du corps violenté. Ce qui est intéressant dans<br />

cette grammaire <strong>de</strong>s cicatrices, c’est qu’elle énonce socialement<br />

une transgression, celle du tabou <strong>de</strong> la <strong>violence</strong> corporelle. Ce<br />

n’est pas par hasard qu’en sublimant la défiguration, en<br />

esthétisant la douleur infligée aux tissus corporels les plus<br />

spécialisés dans la jouissance du plaisir sexuel (oreilles, lèvres,<br />

nez, mamelons, parties génitales), la culture transgressive du<br />

piercing désigne le tabou <strong>de</strong> la <strong>violence</strong> corporelle.<br />

Je termine en vous soumettant une hypothèse. Peut-être notre<br />

contrat social, celui qui est attaché à la forme <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> droit à<br />

laquelle nous tenons, prohibe-t-il, <strong>de</strong>puis longtemps, la vengeance<br />

expiatoire, la vengeance privée par exemple, et criminalise-t-il la<br />

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