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Violences d'aujourd'hui, violence de toujours - Rencontres ...

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<strong>Violences</strong> d’aujourd’hui, <strong>violence</strong> <strong>de</strong> <strong>toujours</strong><br />

Grossman, Tout passe, est une sorte <strong>de</strong> confession <strong>de</strong> celui qui<br />

revient <strong>de</strong>s camps, c’est-à-dire <strong>de</strong> l’enfer et <strong>de</strong> la mort, et qui<br />

n’arrive pas à le dire aux autres, parce que les autres ne le croient<br />

pas. C’est encore la question que nous posions au début <strong>de</strong> ces<br />

<strong>Rencontres</strong> : comment le dire ? Mais aussi : comment ne pas le<br />

dire ? Le personnage <strong>de</strong> Grossman chuchote ses confi<strong>de</strong>nces sur<br />

cet enfer à sa bien-aimée, qu’il a trouvée comme la seule et<br />

unique oreille qui puisse l’écouter. Il parle <strong>de</strong> la conservation <strong>de</strong> la<br />

<strong>violence</strong> :<br />

A quoi bon défendre la liberté ? Autrefois, on voyait en elle la loi et la<br />

raison du progrès mais maintenant, à ce qu’on dit, tout est clair :<br />

d’une manière générale, il n’y a pas <strong>de</strong> progrès historique, l’histoire<br />

n’est qu’un processus moléculaire, l’homme est <strong>toujours</strong> égal à lui-<br />

même, on n’en fera rien, il n’y a pas d’évolution. Mais il y a une loi<br />

simple : la loi <strong>de</strong> la conservation <strong>de</strong> la <strong>violence</strong>. Aussi simple que la<br />

loi <strong>de</strong> la conservation <strong>de</strong> l’énergie. La <strong>violence</strong> est éternelle. Quoi<br />

qu’on ait pu faire pour la détruire, elle ne disparaît pas, elle ne<br />

diminue pas, elle se transforme simplement. La <strong>violence</strong> prend la<br />

forme, tantôt <strong>de</strong> l’esclavage, tantôt <strong>de</strong> l’invasion mongole. Elle saute<br />

d’un p.249 continent à l’autre, se change en lutte <strong>de</strong>s classes et <strong>de</strong><br />

lutte <strong>de</strong>s classes en lutte <strong>de</strong>s races. De la sphère matérielle, elle<br />

passe dans la religiosité médiévale. Elle s’exerce tantôt sur les gens<br />

<strong>de</strong> couleur, tantôt sur les écrivains et les artistes mais, d’une manière<br />

générale, la quantité <strong>de</strong> <strong>violence</strong> sur terre est la même. Les penseurs<br />

prennent le chaos <strong>de</strong> ses métamorphoses pour l’évolution et en<br />

cherchent les lois. Mais le chaos ne connaît pas <strong>de</strong> lois, d’évolution,<br />

<strong>de</strong> sens, <strong>de</strong> but.<br />

C’est le personnage central <strong>de</strong> Tout passe qui parle ainsi. Cela<br />

ne veut pas dire que Vassili Grossman le prenne à son compte.<br />

Mais cela émane <strong>de</strong> lui, c’est ce que dit une voix à l’intérieur <strong>de</strong><br />

Vassili Grossman. L’autre voix <strong>de</strong> Vassili Grossman. Ce n’est pas<br />

celle d’un prophète, celle d’Isaïe disant qu’on va changer les<br />

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