Un cheminement de guérison : Le rétablissement du mieux-être

chapitre deux
bien des cas, n’étaient pas conscients du lien entre le manque d’affection, la privation socioculturelle,
l’humiliation et la violence qu’ils avaient subis dans les pensionnats et les nombreuses épreuves qui
ont fait obstacle à leur bien-être physique, social, émotionnel et spirituel. Au sein des familles, on a
fait circuler des histoires qui relataient les souffrances endurées dans les pensionnats, dont la faim,
l’isolement entraîné par l’absence de la famille et la discipline sévère infligée par les enseignants et les
superviseurs, des histoires qui étaient entrecoupées de temps à autre par des récits donnant des actes
de résistance. Souvent c’était une expérience semblable à celle relatée par Shirley Williams, dont on
trouve des extraits au début du présent volume, celle de personnes ayant retrouvé un sentiment positif
de soi et de leur valeur personnelle, de même que la confiance en soi, celle de personnes considérant
leur expérience comme une épreuve de force à laquelle elles avaient survécu. 17
Jusque dans les années 1980, le silence a voilé et tenu secret des milliers d’autres histoires ayant fini
beaucoup moins bien. Il y a eu un nombre incalculable d’élèves qui sont décédés prématurément en
raison de leur mauvais état de santé à la sortie du pensionnat ou qui ont été enterrés sur les terrains du
pensionnat, victimes de malnutrition et de maladie. Il y a eu le cas d’autres élèves qui se sont efforcés
du mieux qu’ils pouvaient de renier leurs origines autochtones, perdus dans des villes hostiles, ou
se constituant une famille au sein de laquelle ils n’ont jamais parlé de leur passé. Sans oublier toutes
ces personnes qui sont sorties des pensionnats accablées par l’intolérable souffrance du fardeau de la
colère et de la honte, ainsi que de leur coupure entre elles et la société. Dans les dernières décennies
du vingtième siècle, les Survivants des pensionnats ont rompu leur silence et, dans le discours public,
on a reconnu le lien entre l’abus subi dans l’enfance et la détresse à l’âge adulte.
Dans la société canadienne, le voile du silence sur d’autres formes de violence s’est également levé peu
à peu. Les femmes s’élèvent contre la violence familiale dont elles sont victimes, ce qui a apporté des
changements dans la façon dont la loi et l’application de la loi combattent la violence familiale. Le bureau
de protection de l’enfance vise à empêcher les enfants d’être victimes de mauvais traitements, à les secourir
s’ils sont victimisés, et à empêcher également qu’ils soient témoins de violence au sein de leur famille.
Vers la fin des années 1980, la violence sexuelle à l’endroit des enfants a été dévoilée; comme suite à ces
divulgations, le gouvernement du Canada a réagi en nommant un conseiller spécial du ministre de la Santé
nationale et Bien-être social pour les questions liées à la violence sexuelle envers les enfants au Canada. 18
Révélations particulièrement bouleversantes pour la conscience des Canadiens que celles d’enfants confiés
aux bons soins de l’Église et de l’État ayant été victimes d’agression sexuelle perpétrée par leurs gardiens.
Des accusations pour des abus commis antérieurement ont été intentées par des adultes ayant vécu à
l’orphelinat Mount Cashel à Terre-Neuve et aux centres d’éducation Grandview, St. John’s et St. Joseph’s
en Ontario. Au début des années 1990, les cas déjà mentionnés et d’autres cas de maltraitance dans des
établissements de soins pour enfants, des établissements scolaires et des établissements de correction au
Canada ont été confirmés dans le cadre d’enquêtes publiques ou d’enquêtes policières qui ont mené au
versement de compensations aux victimes. 19 Les témoignages à ces enquêtes ont révélé que les victimes
étaient affligées de cicatrices psychologiques découlant de la façon humiliante dont elles avaient été
traitées, malgré que seulement l’indication de séquelles d’abus physiques ou sexuels a permis d’aboutir
à des conséquences juridiques. L’évidence ressortant des cas soumis et faisant état d’abus sexuel à l’égard
d’enfants a suscité auprès du public un sentiment général d’indignation qui a donné aux Églises et aux
gouvernements l’impulsion pour régler à l’amiable les compensations financières.
volume i : un cheminement de guérison : le rétablissement du mieux-être