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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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prime abord semblent limités. Ne goûtent-ils pas d'abord l'appel envoûtant

du Sud et des horizons sans fin ?

La photographie d'ensemble n'est donc pas mauvaise – surtout pour un

pays colonial – même si la balance commerciale reste déficitaire à cause

des produits manufacturés. Quelle réalité profonde se cache derrière la

première impression ?

Les Européens, en 1930, sont à peu près 880 000, presque tous Français,

de souche ou par naturalisation. La loi de 1889 a joué son rôle 2 . Ils sont des

citadins à plus de 80 %, regroupés principalement dans les villes du littoral

et surtout les deux métropoles que constituent Alger et Oran. Hormis

quelques bastions de faubourgs à dominante espagnole ou italienne, le

brassage ethnique a eu lieu. Les juifs également se sont intégrés. Les

Européens d'Algérie sont désormais des Français à part entière, pourvus

intégralement de leurs droits civiques et plus spécialement du droit de vote.

Les indigènes, de leur côté, sont environ 5 500 000. Le fond n'a pas

bougé. Berbères en Kabylie, dans l'Aurès, Berbères très fortement métissés

par l'apport arabe d'autre part. Musulmans partout. Les conversions à la foi

chrétienne ont été rares : quelques-unes en Grande Kabylie de par le travail

des pères blancs, ou bien celles d'orphelins recueillis par des organisations

religieuses. Depuis un demi-siècle, la population indigène a eu une

croissance rapide. En vingt ans, elle vient de gagner 800 000 individus.

Cinq millions cinq cent mille d'un côté, huit cent quatre-vingt mille de

l'autre. Le déséquilibre numérique s'accroît, un Européen pour sept

musulmans. Des musulmans qui se sont fixés car le nomadisme a bien

diminué 3 depuis la colonisation 4 .

Quels sont les rapports des deux communautés ? Une évidence éclate en

débarquant à Alger, Oran, Bougie ou Philippeville. Il n'y a pas d'apartheid,

il n'y a pas de racisme fondamental. La France de 1789 a imposé sa marque.

Le tramway – par la suite, ce sera le trolley-bus – embarque pêle-mêle

ménagères européennes et fatmas voilées. La file est la même pour tous au

guichet de la grand-poste près du square Laferrière. Une foule bigarrée

fréquente des magasins communs. Le petit écolier au teint blanc s'assoit

près du yaouled basané.

« Chacun d'entre nous a au moins un ami musulman », écrira un jour en

substance Jacques Chevalier 5 . Cela est à peu près vrai. Des familles devront

la vie, en 1945 à Sétif, en 1955 à Philippeville, à l'avertissement discret

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