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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Car, fait nouveau, imprévu, improbable, les Algériens descendent dans la

rue. A Aïn-Témouchent, à Orléansville, à Bougie, ils sont là. A Alger, ils

déferlent du Clos-Salembier, de la cité Mahieddine, de la Casbah. Aux cris

« Yahia de Gaulle ! » se joignent les « yahia Algérie ! » ou « Vive le

F.L.N.! ». L'emblème vert et blanc, jadis tracé par Messali Hadj, surgit audessus

des têtes. Pourquoi cette explosion brutale que personne n'avait

prévue ?

Le F.L.N., décimé dans les djebels par l'action conjuguée du plan Challe

et du travail des S.A.S., a reporté son effort essentiel sur les villes. Jouant

sur les certitudes qu'apporte l'évolution de la politique du général de Gaulle

depuis un an, ses militants façonnent une nouvelle opinion de la masse

musulmane. Les séquelles de la bataille d'Alger, les vexations qu'apporte

l'appareil policier et militaire français, le chômage et la misère des habitants

des bidonvilles alimentent un nationalisme un moment étouffé par les

lendemains du 13 mai 1958. L'Algérie algérienne formulée par de Gaulle

répond à une aspiration sous-jacente du peuplement algérien et les hommes

du F.L.N. ont beau jeu de modeler une pâte malléable à une indépendance

qui déjà se dessine. En décembre 1960, côté algérien, choisir le F.L.N. c'est

opter pour le vainqueur.

Les pouvoirs publics français ont largement favorisé cette éclosion. Les

officiers des S.A.U. ont reçu consigne d'inciter leurs administrés à

manifester au cri de « Vive de Gaulle ! ». C'était jouer avec le feu en raison

des positions prises par l'intéressé. La marée humaine mise en mouvement

n'a qu'un échelon à gravir pour changer de registre. De Gaulle lui-même

affiche ostensiblement ses sympathies. Il s'avance, la main tendue, vers les

Algériens qui l'acclament et dédaigne – juste retour des choses – les

Européens qui le huent. Ce cocktail – de Gaulle – F.L.N. – Indépendance –

s'avère très vite explosif et sanglant. Le sillage de De Gaulle pendant ce

voyage en Algérie est une traînée de sang. 18 musulmans et 6 Européens

tués à Oran, 6 Européens, 3 musulmans tués à Bône, 96 musulmans, 15

israélites, 13 Européens tués à Alger 7 . En cette dernière ville, l'affrontement

a tourné au massacre d'Algériens profrançais exécutés à l'arme blanche par

leurs coreligionnaires.

De Gaulle a prévu d'achever son périple par l'Est Constantinois et plus

particulièrement par la ville des événements du 20 août 1955 : Philippeville.

Philippeville est une cité plus européenne que musulmane. Elle est le P.C.

de la 25 e D.P. et la base arrière de régiments parachutistes dont le célèbre 2 e

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