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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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centaines de milliers de tués. Le F.L.N. annoncera un million, chiffre

probablement peu éloigné de la vérité. Il y a eu les représailles aveugles et

collectives comme après les massacres du 20 août 1955 à Philippeville. Le

déferlement algérois de décembre 1960 n'a été brisé que par la mitraille.

Chaque famille algérienne compte plusieurs chouhada (martyrs). Ferhat

Abbas en dénombre quatorze dans la sienne.

Les tortures, les sévices, ont été le lot journalier. La bataille d'Alger a été

gagnée, si l'on se rappelle les termes de Bigeard, dans « la m... et le sang ».

Dans les postes, dans les commissariats, la contrainte a été constamment

le moyen de pression pour obtenir des renseignements. Il y a eu les

exécutions légales aussi bien en France qu'en Algérie. La justice française

n'a pas été tendre. La guillotine a fonctionné. Pendant les quelques mois où

François Mitterrand a été garde des Sceaux, cinquante-huit terroristes

algériens ont été guillotinés. Les « corvées de bois » ont liquidé les

irréductibles, les gêneurs, tous ceux qu'on ne pouvait plus présenter. Les

cadavres ont été éparpillés au hasard des fonds d'oued et des fourrés avant

de devenir la proie des chacals pleurant dans la nuit.

En France même, il y a eu les « ratonnades » policières. Le 18 octobre

1961, les cadavres des Algériens tués par les gardiens de la paix parisiens,

qui voulaient venger les leurs, dérivaient au fil de la Seine.

Il y a eu les prisons, les internements, les camps de déportation. Des

régions transformées en zones interdites ont été dévastées. Des douars

entiers ont vu leurs mechtas brûlées, le bétail abattu, les récoltes

abandonnées. Les populations regroupées ont pataugé dans la boue et plié

sous la misère.

Les haines de clan ont joué à mort entre Algériens profrançais et

antifrançais. Le neutralisme n'était pratiquement plus possible.

L'engagement pour un camp ou pour l'autre était obligatoire.

Il faut donc être bien naïf ou bien cynique pour penser que, par le jeu

magique de la signature d'un cessez-le-feu, les Algériens vont oublier tout

cela. Les Français, en l'été 1944, firent plus de cent mille morts pour se

venger et ce, dans un pays relativement policé. L'éclatement de ce chaudron

bouillonnant de passion, de rancœurs, de vindicte est obligatoire. Faut-il

aussi oublier les vieux relents de fanatisme religieux, de djihad, qui ont sans

cesse alimenté le brasier de la rébellion ? Chacun sur le terrain le sent et le

sait, les Européens les premiers.

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