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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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heures. L'armée française regarde et n'intervient pas. Partout des scènes

identiques se reproduisent dans la plus stricte impunité. En quelques jours,

5 000 Européens, au moins, trouveront la mort. Des hommes, des femmes –

des femmes, surtout – disparaissent à jamais. Aucun organisme

humanitaire n'élève la voix. Aucune autorité française ne stigmatise les

crimes.

Dans l'arrière-pays, c'est pire encore. La chasse aux harkis, commencée

depuis plusieurs semaines, se poursuit sans entraves. Les 150 000 victimes

de cet été sanglant ont déjà été évoquées. Beaucoup meurent dans des

souffrances que la plume ne saurait rendre et évoquer. Là encore rien n'est

fait pour protéger les malheureux. Des familles entières sont anéanties.

Non, la paix en Algérie n'est pas la paix. La terreur se poursuivra de

longs mois. Les camps d'internement et de mort demeureront de longues

années. Vingt ans après, la France n'ose encore aborder de face cette époque

et ce drame. Qu'elle devine à sa honte. Le citoyen honnête peut, à sa

décharge, en bien des cas, avancer qu'il ne savait pas ou ne pouvait

envisager. Ses dirigeants, en revanche, n'ignoraient rien de ce qui allait

advenir et de ce qui est effectivement advenu.

1 Les portes des prisons françaises seront longues à s'ouvrir. Des grâces présidentielles, pour

le 14 juillet et les grandes fêtes religieuses, libéreront peu à peu les internés pour cause d'Algérie

française. Les officiers du putsch du 22 avril 1961 resteront plusieurs années en captivité. Maurice

Challe ne sortira qu'à Noël 1966. Edmond Jouhaud, un an plus tard.

2 Il n'est évidemment pas du ressort de cet ouvrage d'étudier les séquelles d'une guerre

officiellement terminée le 3 juillet 1962. Les procès, les prisons, les massacres et les enlèvements,

l'implantation de la communauté rapatriée, la perte des richesses sahariennes, la rupture de plus en

plus accentuée de la présence française, intellectuelle et économique en Algérie, le désengagement

militaire, l'abandon de Mers-el-Kébir, l'ingérence du bloc de l'Est, bref, tous ces lendemains

représentent à eux seuls le thème d'une longue étude.

3 Cdt. Azzedine, Et Alger ne brûla pas, p. 321, op. cit.

4 M. Harbi, op. cit., page 364.

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