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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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s'agit pas là d'un impératif. La Belgique, la Hollande ont-elles des frontières

dites naturelles ?

Point de métropole unique. Constantine, Bougie, Tiaret, Alger, Oran,

Tlemcen, se disputent, au hasard des conquérants, la primauté. L'attraction

d'une grande capitale fait défaut.

Le conquérant, presque toujours présent depuis deux mille ans, a pu faire

obstacle. Certaines mainmises, romaine, byzantine, française, ont été

pesantes, ne favorisant guère l'éclosion du nationalisme. Certes, les

résistances, les rébellions contre l'envahisseur n'ont pas manqué. Elles ne

purent réussir. Durant trois siècles, une poignée de Turcs – quelques

garnisons dans les principales cités – a tenu le pays. Rien ne s'est produit.

Pourquoi ?

Les chefs auraient-ils manqué ? Ils sont bien le reflet d'un souffle

populaire. Bouvines, heureuse rencontre d'un peuple et d'une monarchie, a-

t-il été écrit. Rien de semblable ne s'est produit au Maghreb central. Point

de Bourbons, de Hohenzollern ou de rois catholiques. Les forgerons de

l'unité ne se sont pas levés. Les dynasties qui régnèrent ne furent qu'un feu,

encore étaient-elles dans l'ensemble venues d'ailleurs, ainsi du Maroc pour

Almoravides et Almohades.

Il est à reconnaître que ce pays berbère, qui avait donné un saint

Augustin, un Tertullien ou un saint Cyprien, est, après la conquête arabe,

pauvre en grands noms. Peu de personnalités émergent et ce, dans tous les

domaines. Une seule exception notable au XIX e siècle : l'émir Abd el-

Kader 19 , véritable Vercingétorix algérien, mais tout comme lui incapable de

faire l'unité de son peuple devant l'envahisseur.

Cette déficience des hommes explique peut-être deux mille ans de

subordination. Où faut-il la chercher ? La souche berbère a souvent fait

preuve ailleurs de sa richesse. Serait-ce l'apport dévastateur des Hilaliens ?

Trancher en ce domaine n'est pas du ressort de cet ouvrage.

La diversité ethnique a été évoquée pour expliciter l'absence du fait

national. Certains ont insisté sur l'antagonisme entre sédentaires et

nomades, entre Berbères de souche et Arabes nouveaux venus. Le

patriotisme de l'agriculteur est celui du terroir. Celui du pasteur est notion

de groupe. L'horizon terrien importe peu en raison de la mouvance de

l'existence. Le clan, la tribu sont les liens sociaux de l'individu.

Deux conceptions aussi divergentes de l'idée de patriotisme ne pouvaient

favoriser l'éclosion d'une nation. Serait-ce là une explication satisfaisante ?

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