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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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cimetières où reposent les aïeux ! Adieu, horizons familiers et connus !

Adieu, cadre patiemment bâti d'une existence ! Un million d'hommes, de

femmes et d'enfants, en quelques semaines, abandonnent tout. L'Algérie

n'est plus française. Ils ne peuvent plus y demeurer. Ils avaient raison de

tout craindre.

*

* *

La nef du F.L.N. va-t-elle sombrer en arrivant au port ? Ce mouvement,

regroupement des forces nationales depuis le 1 er novembre 1954, va-t-il

éclater alors que l'aurore de l'indépendance point à l'horizon ? Les factions

rivales y sont maintenant au nombre de trois : le G.P.R.A. de Ben Khedda,

et lui-même scindé en clans hostiles, l'E.M. derrière Boumediene et les

colonels des frontières, enfin Ahmed Ben Bella, le premier prisonnier libéré

par les accords d'Evian.

En titre, Ben Bella est ministre d'Etat au sein du G.P.R.A. Cela ne

l'empêche pas de travailler pour lui et pour ses idées. Celles-ci sont simples

et tranchées : réforme agraire, islam, arabisme : « Arabes, nous sommes

tous des Arabes », lance-t-il fréquemment 17 . Evian, il n'en a cure et il ne

dissimule pas son opposition aux accords du 18 mars. Est-ce là une

conséquence de sa longue détention ? Il est violemment hostile à la France.

Vis-à-vis de la minorité européenne, il exclut toutes garanties particulières.

Il la considère même comme indésirable sur le sol algérien.

Au G.P.R.A. de Ben Khedda, à l'état-major de Boumediene, au groupe de

Ben Bella et de ses amis, il faut aussi ajouter une puissance nouvelle : les

wilayas sorties de leur clandestinité. Les maquisards rescapés, ceux qui ont

pris tous les risques, même s'ils ne sont pas nombreux, entendent bien tenir

leur rôle à l'heure de la victoire. Les commandants de wilayas, profitant du

vide créé par la retraite de l'armée et de l'administration françaises depuis

le 18 mars, s'organisent en fiefs quasi indépendants. Ils recrutent largement

et incitent à la désertion. Les nouveaux venus sont les « marsiens »,

pendants des résistants de septembre que connut la France en 1944. Chacun

indiscutablement espère participer largement au festin de l'indépendance

nationale 18 .

La rupture de fait est consommée depuis longtemps entre G.P.R.A. et

état-major. Les militaires, toutefois, souhaitent sauver l'apparence et se

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