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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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essentiel. Tel est le tableau que l'on ne voit pas des artères modernes des

grandes cités. Il explique le décalage entre le monde européen et le monde

musulman.

Et l'école ? Tous les jeunes Européens ainsi que les jeunes Juifs sont

scolarisés. Lycées et collèges ont suivi le développement de la colonisation

et certains établissements ont des professeurs de renom. Alger possède son

université.

Pour les jeunes musulmans, la situation est loin d'être aussi favorable. Six

pour cent des indigènes sont scolarisés. L'école indigène est née vers 1890.

Des réalisations incontestables, des dévouements magnifiques ne font que

mieux ressortir l'insuffisance de l'ensemble. La masse musulmane est très

largement analphabète.

Cet état de fait a des responsables. La France, pays de Jean-Baptiste de

La Salle, de Jules Ferry, et de bien d'autres, n'a pas ici rempli une mission

qui est souvent sa grande œuvre. Elle n'a su ni voulu imposer

l'enseignement obligatoire. En outre, le laïcisme profond de la Troisième

République a freiné les écoles confessionnelles, telles celles des sœurs

blanches, pourtant appréciées.

Mais surtout en Algérie les potentats locaux ont fait obstacle à la

scolarisation indigène. Ils redoutent de sortir de sa torpeur une plèbe qui se

tait et travaille à bas prix. Un rapporteur du budget de l'enseignement des

indigènes explique en 1895 à ses collègues du Parlement : « Les écoles

algériennes forment des insurgés et des déclassés. » En 1908, le congrès des

maires d'Algérie – tous européens – vote une motion extraordinaire :

« Considérant que l'instruction des indigènes fait courir à l'Algérie un

véritable péril, tant au point de vue économique qu'au point de vue du

peuplement français, les maires d'Algérie émettent le vœu que l'instruction

primaire des indigènes soit supprimée. »

Quelle responsabilité de décision et de jugement ! La culture française ne

reste-t-elle pas le meilleur moyen de s'attacher les esprits et les cœurs ?

Peu de musulmans franchissent le cap des études supérieures. Ces

privilégiés proviennent de familles aisées ou fils de caïds qui ont pu

bénéficier d'une bourse. Sur 2 000 étudiants à l'Université d'Alger, ils ne

sont qu'une cinquantaine. Ils s'orientent vers les disciplines littéraires avec

une préférence pour le barreau. Quelques-uns choisissent les études

médicales, tel un certain Ferhat Abbas qui, en 1930, termine sa pharmacie.

Plus rares sont les scientifiques. Avec le soutien de Paul Painlevé, un

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