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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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commandos, autodéfense, unités de tirailleurs, sans parler de tous ceux qui,

à un degré quelconque, portent l'uniforme français. Ils sont des milliers, du

garde-champêtre au caïd à arborer des décorations gagnées sur les champs

de bataille. Regroupés, tous ces hommes, dont certains sont d'anciens du

F.L.N., pourraient constituer une force appréciable et s'opposer

efficacement, de par leur nombre et leur armement, à ce qui se prépare.

Pour l'exécutif, il faut donc les désarmer et vite.

Est-il un cas plus typique de cette tragédie que celui du « colonel Si

Chérif », ancien rebelle, implanté avec ses 850 hommes dans la région

d'Aïn-Bouzif (secteur de Médéa) ? Le général français qui commande la

zone fait désarmer Si Chérif et les siens. Les armes et les munitions sont

livrées à l'autorité militaire française. Réduits à l'impuissance, les supplétifs

de Si Chérif sont massacrés dans les semaines suivantes. Leur chef seul

parvient à s'échapper. Partout les mêmes scènes se reproduisent :

encerclement, désarmement des Algériens francophiles. Après quoi, les

malheureux se retrouvent victimes de leurs anciens ennemis. Ainsi, à Saïda,

les membres du commando Georges, unité créée jadis par Bigeard,

connaissent un sort effroyable. La même fureur extermine souvent les

femmes et les enfants. Ce dossier de mutilations, lapidations, exécutions,

sévices avec un registre de cruauté inimaginable, relève de la stricte

barbarie. Il était prévisible et prévu.

Certains, aidés parfois, il convient de le souligner, par leurs anciens

officiers, essayent d'échapper au sort qui les attend. Les marins de la

D.B.F.M., par exemple, s'efforcent de ramener en France la harka qui

combat avec eux. Ce cas n'est pas isolé, mais les ordres tombent. Les

directives de Louis Joxe, ministre en charge des Affaires algériennes, sont

sans appel. Le 23 mai, il adresse à Christian Fouchet la directive suivante :

« Les supplétifs débarqués en métropole, en dehors du plan général de

rapatriement, devront rejoindre, avant qu'il ne soit statué sur leur destination

définitive, le personnel regroupé suivant les directives des 7 et 11 avril. Je

n'ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de la

sédition comme un refus d'assurer l'avenir de ceux qui nous sont demeurés

fidèles 6 . Il conviendra donc d'éviter de donner la moindre publicité à cette

mesure. Mais ce qu'il faut surtout obtenir, c'est que le gouvernement ne soit

plus amené à prendre une telle décision. »

Le chiffre des victimes algériennes de ces mois du printemps et de l'été

1962 n'a jamais pu être établi avec une stricte précision pour des raisons

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