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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Très certainement, durant quelque temps, la rébellion a dû vaciller.

Le 17 mai est un mauvais jour pour le commandant supérieur en Algérie.

A mi journée surgit inopinément sur le terrain de Maison Blanche, un

gêneur d'autre taille. Il s'appelle Jacques Soustelle et la rumeur publique a

tôt fait d'apprendre son arrivée. Il a échappé à la surveillance policière dont

le gouvernement Pflimlin l'a entouré et arrive clandestinement de France

via la Suisse.

L'ancien gouverneur général est un rival potentiel et surtout un gros pavé

dans la mare que Salan veut progressivement ramener au calme. En rupture

de ban avec le pouvoir en place à Paris il crée par sa seule présence à Alger

une cassure de droit et de fait. La popularité du nouvel arrivant force la

main de Salan. Bon prince celui-ci lui accorde les attributs de l'ex ministre

résident, Robert Lacoste : sa voiture, son bureau, sa villa. Cette intendance

n'enlève rien à l'essentiel. L'Algérie, qui accueille avec éclat Soustelle le

gaulliste, se met en position de révolte face à la Mère Patrie.

Salan n'a pas apprécié l'arrivée de Soustelle et cela se comprend. Il mène

un jeu difficile d'équilibriste face aux forces qui veulent sa chute. Dans la

cohue généralisée qu'est devenue Alger, il sait qu'un fanatique peut l'abattre.

Il sait que ses propos et son comportement peuvent déplaire à Paris et lui

enlever brutalement son caractère de pouvoir légal et officiel. Il n'ignore pas

que des excités parlent de l'embastiller et de le remplacer par de jeunes

capitaines résolus. Cette menace de coup de force où seraient impliqués des

éléments paras, soutenus par la foule, l'inquiète tout particulièrement.

Il ne sous-estime pas l'audace et la détermination de jeunes centurions

exaltés par l'Algérie française. Pour se garder il fait venir dans le plus grand

secret des troupes sûres. De nuit, deux compagnies dé Légion débarquent à

Maison Blanche et s'engouffrent en toute hâte dans de gros Willems,

bâchés, pour rejoindre la caserne du 5 e cuirassiers à Maison-Carrée à

quelques kilomètres à l'est d'Alger. Une longue semaine, ces solides

guerriers, venus du Constantinois et d'Oranie et moins saisis par le virus

politique que leurs camarades en garnison dans l'Algérois, seront sa garde

prétorienne. Les hommes vivent en alerte immédiate, faisceaux formés. La

situation éclaircie, ils regagneront leurs djebels tout aussi discrètement

qu'ils sont venus 8 .

Telle est l'ambiance, telle est la confiance dans l'excitation des esprits et

le poids des premières chaleurs qui commencent à gagner la ville.

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