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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Côté musulman, la situation est bien différente même si là encore

quelques privilégiés contrastent avec un ensemble sous-développé. Les

écarts se creusent. Les fortunés peuvent vivre à l'européenne 9 . Les autres

retardent de plus d'un siècle.

En ville, avec l'exode rural qui commence par suite de la poussée

démographique, les quartiers spécifiquement indigènes sont surpeuplés. On

s'entasse dans des demeures sans confort ni hygiène. La Kasbah est restée

quasiment celle des Turcs. A la périphérie des grandes cités, la lèpre des

bidonvilles commence à apparaître. Dans le jargon du pays, on les appelle

les « villages nègres ». Mais, rappelons-le, le monde algérien reste rural

à 90 %. C'est celui des fellahs, des paysans 10 . Les uns constituent un

prolétariat embauché sur les terres de colonisation. Les autres végètent avec

des méthodes archaïques sur un espace ingrat et insuffisant. Moins

de 10 hectares permettent difficilement d'entretenir un cheval ou un mulet

pour tirer l'araire ancestral. Les rendements s'en ressentent surtout sur les

hauts plateaux. Dans le Tell, ils récoltent olives et figues. Dans le sud, la

quasi-totalité de la production de palmiers-dattiers passe par eux. De-ci, delà

ils s'essaient à des cultures plus rémunératrices : jardins maraîchers sur le

littoral, tabac dans la région de Guelma et de Bordj-Menaïel. Et puis il y a

des petits compléments. En Petite Kabylie, on les devine dans les sous-bois

déterrant les souches noueuses des racines de bruyère. Elles partiront sur le

bourricot vers l'usine à pipes. Pour beaucoup, l'élevage, ovin

principalement, reste la meilleure des ressources. Alors, pour nourrir des

familles de plus en plus nombreuses s'ouvre la porte de l'exil vers les

grandes villes et la métropole.

L'habitat, le niveau de vie se ressentent de cette pauvreté. La demeure

n'est qu'un gourbi de parpaings en terre ou une masure de branchages

plaquée de glaise. La vraie maison en dur, avec son toit en tuiles rouges,

apparaît là où les mandats venus de France apportent un complément

appréciable. On les distingue surtout sur les lignes de crête où s'étirent les

villages kabyles. La piste muletière est le moyen d'accès à ces hameaux –

ces mechtas – que l'électricité n'atteint pas. L'eau est à la source ou au

puits. C'est là le travail des femmes qui y trouvent une occasion de sortie et

de palabres. Le vêtement, la nourriture et, par voie de fait, l'hygiène sont à

l'unisson. Pantalons, vestes plus ou moins rapiécés ressemblent plus à des

guenilles qu'à un costume. Les enfants vont pieds nus ou ignorent la

chaussette. La semoule pour confectionner la galette sèche est l'aliment

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