30.06.2022 Views

Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

l'ordre à Debrosse de dégager le plateau des Glières avec ses gendarmes. Il

y a là 15 000 pesonnes qui seront prises en tenaille par les mouvements

convergents du 1 er R.E.P. et du 1 er R.C.P.

Pourquoi cet ordre ? La foule manifeste mais n'est pas foncièrement

dangereuse. Le G.G. n'est pas menacé. La fraîcheur nocturne, proche, peut

tout apaiser. Coste et Crépin prennent là une lourde responsabilité. Se

doutent-ils du drame qu'ils vont engendrer ? Le font-ils sciemment ?

Crépin, compagnon de la Libération, est un gaulliste inconditionnel, Coste

pense à sa carrière.

18 h 10. La nuit est tombée. Déboulant de l'esplanade du Forum et de la

rue Berthezène, les gardes mobiles, sans sommation, chargent. Les grenades

lacrymogènes précèdent les vagues fonçant, crosse en avant. Hommes,

femmes, enfants, refluent en pleurant.

Brutalement, des coups de feu éclatent. Des gardes mobiles tombent.

Leurs camarades ripostent ; un peu au hasard ils vident leurs chargeurs. Des

civils s'effondrent à leur tour. Deux F.M. des U.T. répliquent. L'un d'eux

crache de longues rafales vengeresses du P.C. d'Ortiz. Les gardes, décimés,

se replient en désordre pour se mettre à couvert. Ils laissent plus d'un des

leurs sur l'asphalte. En quelques minutes, les rampes du boulevard

Laferrière, le plateau des Glières sont jonchés de victimes.

Par le tunnel des Facultés, par le boulevard Baudin en contrebas, le 1 er

R.E.P., le 1 er R.C.P. accourent. La fusillade a précipité leur marche. A leur

vue, les tirs s'arrêtent. Qui oserait tirer sur les paras ? Ceux-ci maintenant

s'interposent. Ils font écran. 18 h 20. Il y a 20 morts et 147 blessés 4 . Les

secours commencent à s'organiser.

Qui a ouvert le feu le premier ? A cette question essentielle il n'est pas de

réponse absolue. L'enquête n'apportera pas de certitude et là est le fait

troublant. Le pouvoir avait tout intérêt à démontrer que les insurgés avaient

tiré les premiers sur les gendarmes de Debrosse. Les procès-verbaux, établis

par la suite, n'apportent aucune preuve. Alors ? Imbécile, criminel, ou excité

dans les rangs des Européens ? Dans la passion du jour, c'est une hypothèse

possible. Action d'un ou plusieurs agents du F.L.N.? Cette seconde

hypothèse paraît peu probable, car des musulmans auraient été repérés. Le

commandant Sapin-Lignières, patron des U.T. et présent sur les lieux, en

retiendra une autre, non sans arguments : celle de la provocation voulue.

Elle a l'avantage de la logique et répond au vieil adage juridique « Is fecit

cui prodest » 5 . De Gaulle et ses fidèles savent que tôt ou tard, ils devront

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!