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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Les coups de feu ont donné l'alerte. A la caserne Mangin, tout près de la

rue Clemenceau par où arrivent les émeutiers, c'est le branle-bas. Appelés

du centre d'instruction du 1 er R.C.P., légionnaires au repos du 3 e B.E.P.

saisissent armes et munitions. La curée change de sens. Le quartier

européen, sur le point d'être investi, est dégagé. Les musulmans tombent à

leur tour. C'est la chasse à l'homme. Plus haut, vers la mosquée, les ultimes

exactions font encore quelques victimes européennes mais la situation se

rétablit 2 .

En revanche, à la mine d'El-Halia, à une quinzaine de kilomètres à l'est

de Philippeville, c'est l'horreur. Le petit centre minier vit seul, pratiquement

sans protection. Quelques familles arrivent à se barricader, les autres sont

massacrées. Femmes, enfants n'échappent pas à la fureur. Les renforts

arriveront trop tard et ne trouveront qu'une poignée de survivants. C'est à

El-Halia que l'holocauste est le plus lourd.

Philippeville est le point crucial mais d'autres centres du Constantinois

sont touchés. Jemmapes, Catinat, Hammam-Meskoutine, Aïn-Abid ont

leurs innocentes victimes européennes. A Constantine, l'émeute frappe des

israélites et des musulmans connus. Le neveu de Ferhat Abbas, parce qu'il

est le neveu du chef de l'U.D.M.A., est assassiné dans sa pharmacie 3 .

Comme en mai 1945, la haine appelle la haine. L'armée, les Européens,

avides de vengeance, tirent à leur tour sans discrimination. En fin de

journée, l'insurrection est brisée, mais à quel prix !

Côté européen, on dénombre 71 morts, des civils. Il y a aussi une

centaine de musulmans francophiles parmi les victimes. Côté algérien,

comme en 1945, le chiffre est incertain. 2 000 morts, annonce le

gouvernement général, 12 000, proclame le F.L.N. Ce dernier bilan est

vraisemblablement plus près de la réalité. A Philippeville, près du stade, le

long du Saf-Saf, les bulldozers creusent une immense tranchée pour

ensevelir à la hâte les cadavres, de crainte d'une épidémie en cette période

de canicule. La brise de mer apporte sur la ville des relents macabres.

La tragédie du 20 août 1955 à Philippeville et dans le Constantinois est

l'un des événements essentiels de la guerre d'Algérie. Elle prend

effectivement son essor ce jour-là. Désormais, tout le pays bascule dans le

processus amorcé le 1 er novembre 1954 par une poignée de militants plus

déterminés.

Le premier objectif recherché par le F.L.N., ou plus exactement par

Zighout Youssef et son équipe, est atteint. Ils ont délibérément placé le

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