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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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et des hauts d'Alger, 100 000 à déferler des coteaux du Sahel. D'où provient,

qui a déterminé cette arrivée aussi soudaine que massive et qui se

renouvellera dans les villes et villages d'Algérie ?

L'armée a déclenché le phénomène. Godard, Sirvent, les S.A.U. en ville

ont incité la foule. L'organisation matérielle de ce côté est incontestable.

Pour l'armée, l'Algérie française ne signifie pas un bloc monolithique et

privilégié.

Les musulmans méritent une juste place. Le 13 mai, s'il rejoint les

aspirations profondes des officiers, partisans à pratiquement cent pour cent

de l'Algérie française, leur permet d'étaler comment ils conçoivent l'Algérie

française de demain.

Mais cette foule qui crie, qui chante, qui applaudit n'a rien d'un bétail

humain forcé et traqué. Les témoins l'ont vue, les photographies, les

documentaires l'attestent. Une joie sincère paraît envelopper ces visages

projetés dans un monde nouveau, celui d'une fraternité avec les Européens.

Que s'est-il donc passé au fond des cœurs ?

La réponse, comme toujours, est délicate et quasi impossible. Il faut

éviter d'y mêler ou d'y introduire des éléments par trop passionnels. Les

musulmans, après quatre ans de guerre et de misère – la population prise

entre le F.L.N. et l'armée française souffre –, ont-ils cru la paix enfin

arrivée ? Ont-ils plus simplement, pour les plus jeunes surtout, goûté la

distraction d'une promenade gratuite en camions militaires ? N'ont-ils pas

plutôt réalisé qu'ils venaient de remporter la bataille de l'égalité ? La nation

algérienne n'est encore qu'une ombre, en revanche les réalités sociales et

économiques sont leur quotidien. Ne sont-elles pas une des causes

premières et essentielles de la révolte et qui lui ont permis de se

développer ? Nuit du 4 août, a écrit un auteur évoquant ces faits. Bien sûr,

cette réminiscence a dû venir à l'esprit de bien peu. Elle reste pourtant une

des explications les plus plausibles de cette fraternisation de la mimai

1958, de ces mains qui se serrent, de ces visages qui se sourient.

Peut-être est-ce aussi chez certains le signe d'une autre révolte, plus

profonde et plus secrète : la fin des tabous religieux imposés collectivement

à leur ethnie et, pourquoi non, la fin de certaines contraintes du F.L.N.,

exécutant rigide des prescriptions de l'Islam. On voit des femmes déchirer

leurs haïks.

Feux de joie et feux de paille aussi sans doute. Du moins, en ces

journées, l'étreinte du F.L.N. se desserre. Les attentats marquent une trêve 7 .

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