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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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métropole est-elle largement déficitaire. A l'exportation il n'y a toujours que

des produits agricoles : vin, agrumes ou primeurs. A bien des égards,

l'Algérie demeure un pays assisté.

La scolarisation connaît des progrès mais ne suit pas l'arrivée des jeunes

générations. Si tous les enfants européens sont scolarisés, côté

musulman 400 000 garçons et 70 000 filles vont à l'école. Chiffre important

mais insuffisant. 80 % des jeunes Algériens ignorent les bancs de la

classe 10 . Dans le secondaire, l'écart s'intensifie encore : 6 260 élèves

musulmans seulement dans les lycées et collèges sur un total de 23 014.

Dans l'enseignement supérieur il n'y a que 502 étudiants musulmans

contre 4 500 européens. C'est dire que l'instruction de haut niveau est

presque un monopole d'autant que les Algériens s'orientent essentiellement

vers les lettres et le droit de préférence aux disciplines scientifiques. La

formation professionnelle souffre de cette situation. Une grosse majorité des

Algériens arrive à l'âge adulte sans métier en main.

Conséquences inéluctables de ce double manque de débouchés

industriels et de formation : chômage, sous-emploi ou exode. L'Algérie

de 1954 compte 850 000 chômeurs ou sous-employés 11 . Chiffre énorme si

l'on se réfère à la population active mâle. A la recherche de travail, les

hommes partent pour la France. Ils sont 300 000 immigrés algériens en

métropole, expéditeurs de mandats, les bienvenus, mais proie des recruteurs

du M.T.L.D.

Par voie de conséquence, les niveaux de vie des familles stagnent et

demeurent précaires ou misérables. Le bled est toujours à l'heure du Moyen

Age. A la périphérie des grandes villes les bidonvilles étalent leurs masures

couvertes de tôle ondulée. Ni eau ni hygiène. Si des efforts ont été

entrepris – comme les cités de Jacques Chevalier – ils ne correspondent qu'à

une infime partie des besoins. La minorité algérienne aisée ne représente

toujours que 4 à 5 % de l'ensemble.

Plus que jamais deux mondes, européen et musulman, vivent côte à côte

mais dans des conditions bien différentes. De cet état de choses la quasitotalité

des Européens n'a pas conscience. Ils passent mais ne voient pas. Le

yaouled cireur de chaussures au lieu d'être en classe, le fellah déguenillé

courbé dans une vigne, le gourbi en torchis sur la route de Sidi-Ferruch, les

oisifs de la place du Gouvernement sont leur décor habituel. Cet

environnement leur paraît normal ou naturel. Tout comme la fatma voilée

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