30.06.2022 Views

Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

cette mutation progressive. Aux heures décisives des lendemains du 13 mai

1958 il sera incapable d'exercer son autorité.

Et les Algériens ? En pays musulman, le plus fort est toujours respecté,

on l'a déjà souligné. Les paras, la France ont montré leur force et le F.L.N.

sa faiblesse. Son influence a été sérieusement éprouvée.

Grève générale, grève scolaire, action terroriste se soldent par des échecs.

La population algérienne accueille avec satisfaction le calme revenu. Le

clan des ralliés, sincères ou intéressés, augmente. Ce n'est pas pour cela que

le nationalisme est éliminé. Dans la chasse au terroriste, la collectivité

algérienne a été globalement suspectée. Elle n'a donc pu que mieux prendre

conscience d'elle-même, de sa différence, de son éloignement par rapport au

peuplement européen. Ainsi la défaite du F.L.N. est-elle plus apparente que

réelle. Les tués, les disparus, les suppliciés, les internés ont consolidé le

sentiment national. Chaque phase du combat sanglant contre la France forge

un peu plus un patriotisme algérien naissant et jusque-là inconscient dans la

majorité des esprits 10 .

*

* *

Au plan militaire, les répercussions de la bataille d'Alger dépassent

largement le cadre de la ville. Des terroristes traqués cherchent un refuge,

précaire, dans les maquis, gonflant ainsi les effectifs. Cet apport de

supposés « intellectuels » n'est pas toujours, du reste, apprécié par les

anciens, mais l'essentiel est ailleurs. Le colonel Godard et le capitaine

Léger – ce dernier responsable du D.P.U. dans la Casbah – œuvrent avec

infiniment de machiavélisme. Dans les interrogatoires, dans les entretiens

qu'ils ont avec leurs prisonniers – car la manière forte n'est pas toujours

utilisée – ils sèment le vrai et le faux. Ils laissent habilement supposer qu'ils

savent tout, ayant des indicateurs à tous niveaux de la rébellion. Leur bonne

connaissance du dispositif adverse facilite leur argumentation. Des papiers

traînent par hasard sur les bureaux. Des noms sont cités : un commandant

de Katiba, un adjoint de nahia... qui communiquent régulièrement des

renseignements à l'armée française par tel ou tel émissaire. Le doute, la

certitude parfois, s'installent chez ces militants déjà traumatisés par leur

arrestation. « Ce compagnon de lutte serait donc un traître ? »

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!