30.06.2022 Views

Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Le car, avec son chargement de fellahs enturbannés, poursuit sa course.

Quelques palabres à Rhoufi où l'éventuel touriste, contemplant la gorge,

peut à l'occasion se croire au Colorado. A Rhassira, nouvel arrêt. Là

débouche la piste de Tkout, ce bordj tenu par quelques gendarmes au pied

d'une falaise impressionnante 1 . Au-delà s'étend l'immense forêt des Béni-

Melloul, où la colonisation, quelle qu'elle soit, n'a pour ainsi dire jamais

pénétré.

A Tifelfel – peut-on appeler l'endroit un village ? – un couple

d'Européens se joint aux voyageurs jusqu'alors tous musulmans. Ils sont

jeunes tous deux. M. et Mme Guy Monnerot ont vingt-trois ans et vingt et

un ans. Instituteurs du bled en ces fonds de l'Aurès, ils sont en Algérie

depuis un mois à peine. Ils aiment leur métier. La vie en milieu indigène

qu'ils ont voulue ne leur déplaît pas. Les Chaouias, devant leur dévouement

et leur bonne volonté, les ont acceptés. Ils se sentent maintenant chez eux.

Profitant du week-end de la Toussaint ils ont décidé de rendre visite à un

collègue à Arris.

Le car a repris sa route inconfortable. Il entre dans les gorges de

Tighanimine. Après, il entamera sa montée sur le chef-lieu de la commune

mixte.

Soudain, un groupe d'hommes barre la piste et fait signe de stopper. Les

nouveaux venus ont l'air menaçant. Une veste type treillis militaire couvre

les épaules de certains. Presque tous ont une arme apparente. Le chauffeur,

qui est dans le secret, obtempère. Celui qui dirige l'action s'appelle Chihani

Bachir et a le verbe haut. Il est l'un des adjoints de Ben Boulaïd, l'un de ces

vingt-deux Algériens qui, trois mois plus tôt, à Alger, ont décidé la révolte

armée contre la France.

La scène va se jouer très vite. Chihani Bachir ordonne aux Monnerot de

descendre. Le caïd s'interpose.

– Vous ne pouvez pas assassiner ces jeunes gens qui sont venus de France

pour instruire nos gosses !

– On s'en fout, notre civilisation c'est le Coran, pas celle de ces chiens de

roumis !

Devant la tournure de la discussion, Hadj Sadok, méprisant ceux qu'il

appelle des « bandits », tente de sortir son revolver. Shaïhi Mohamed, un

des hommes de Chihani, devance son geste. La rafale de sa Sten, l'unique

pistolet mitrailleur du groupe, abat le caïd et l'instituteur. Mme Monnerot,

violentée et blessée à son tour, est laissée pour morte.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!