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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Les Européens, quant à eux, quelques mois après, en août 1955,

connaîtront les massacres d'El-Halia, dans le Philippevillois, sans parler des

attentats isolés perpétrés dès novembre. Très vite la liste du martyrologe

s'allongera. Là encore, effrayer. Le résultat sera en partie atteint dans les

campagnes que les petits colons devront déserter devant l'insécurité.

Plus encore ces tueries visent à séparer les deux communautés, à les

dresser l'une face à l'autre. Il sera aisé d'assimiler un musulman à un

terroriste, de confondre les uns et les autres, de déclencher d'autres attentats

en réplique. Le contre-terrorisme naît souvent de la haine aveugle. Victoire

de la provocation !

Pour les rebelles, qui pourra dénombrer leurs pertes ? Bien peu des

combattants de la première heure regarderont se lever l'aube de

l'indépendance. Dès le début, les premiers accrochages seront meurtriers.

Le nombre des prisonniers sera toujours minime. Le combat sera la plupart

du temps sans merci, comme l'agression de Tighanimine.

Tighanimine, sur la route intérieure du massif de l'Aurès, entre Batna et

Biskra, dans cet arrière-pays où comme Européens ne vivent que quelques

forestiers barricadés dans leurs demeures. Cette localisation a un sens. Pour

cette nouvelle guerre de huit ans que la France entame, le Constantinois

sera le Tonkin. Tout prédispose cette région à devenir la principale zone des

combats : le fort pourcentage de la population musulmane, le relief du pays

et son terrain escarpé ou couvert, la proximité de la Tunisie, alliée

officieuse sinon officielle.

L'Aurès, les Nementchas, seront les hauts lieux pour les combattants des

deux camps. Là, dans la rocaille, les sous-bois, les talwegs ravinés, le

dédale des grottes obscures, aussi bien par la chaleur torride de juillet que

sous la neige ou dans la brume de décembre, des luttes farouches et souvent

corps à corps mettront aux prises soldats français et moudjahidine de

l'Armée de Libération nationale. Là se dérouleront les premiers

affrontements contre des unités organisées.

Mais déjà aussi la tactique choisie s'annonce. La rébellion ne sera pas une

insurrection de masse mettant les foules en mouvement. La priorité est

donnée au coup de main, à l'action dite de commando où jouent vitesse et

surprise avant un décrochage sans laisser de traces. L'objectif choisi doit

être relativement vulnérable pour un résultat rapide et payant.

Dans son altercation avec le caïd de M'Chounèche, Chihani Bachir a

évoqué le Coran. Dans un pays où la religion imprègne très fortement la vie

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