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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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drainent la grande foule vers le plateau des Glières, ce 6 février. L'arme

retenue pour l'affrontement : la tomate. Ce sera la journée des tomates.

Guy Mollet, conspué, hué dès son arrivée au monument aux morts,

regagne à grand-peine sa voiture après le dépôt de la gerbe traditionnelle.

Les projectiles, les tomates en l'occurrence, pleuvent. Le chef du

gouvernement n'est pas épargné. La police locale, tout acquise aux

manifestants, se laisse déborder. Seule la discipline de l'armée assure à Guy

Mollet une retraite sûre au Palais d'Eté. La rue est aux Algérois. Les

hommes de Martel, regroupés boulevard Carnot, près du front de mer,

armés, sont prêts à investir le Gouvernement général.

Paris a suivi ce qui est pratiquement une émeute. A 16 heures, le général

Catroux, de lui-même, démissionne. Cette nouvelle fait vibrer les Algérois.

Alger a fait reculer Paris. « Nous avons gagné. » Ce coup d'éclat, ils

penseront pouvoir le refaire encore et toujours, et toujours gagner.

Ce sera le 13 mai, les barricades, le 26 mars 1962. Mais la victoire, avec

la fermeté, changera de camp.

*

* *

Rentré à Paris, Guy Mollet a évidemment un premier problème urgent à

résoudre : trouver un remplaçant au général Catroux. Le poste n'est pas sans

embûche et exige un caractère bien trempé, les événements récents l'ont

prouvé. Le choix de Guy Mollet se porte sur l'un de ses amis politiques et

présentement ministre des Affaires économiques : Robert Lacoste.

C'est un Périgourdin de cinquante-sept ans qui a monté par la Résistance

et les luttes de son parti. Courtaud, sans grande allure, il dissimule derrière

sa jovialité de façade une solidité naturelle et un courage lucide. Nommé

ministre résident à Alger, il y arrive sans tambours ni trompettes. On

s'apercevra très vite que le patron de l'Algérie c'est lui et qu'il ne renâcle pas

devant les décisions.

L'Algérie ? Pratiquement, il ne la connaît pas. C'est un « pathos », disent

les pieds-noirs 2 . Certes, mais il entend bien faire et servir, c'est-à-dire servir

la France, son pays, car il est profondément patriote, et cette province qui

lui est confiée est pour lui française. Il trouve une équipe pour assurer la

continuité : Chaussade chez les civils, Lorillot chez les militaires. Avec ces

gens-là, la maison ne saurait s'effondrer du jour au lendemain. Mais,

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