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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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même supérieur. La passion ? Ce fonctionnaire austère ne connaît pas. Il est

trop sérieux pour cela. Challe a du cœur et il le prouvera, mais il veut

rétablir l'ordre car il ne comprend pas les raisons du désordre. Il ne fait

qu'une réserve : pas de sang. Il n'y en a eu que trop et il l'impute sans

retenue à Ortiz et à ses agités. Il est sincère car s'il est foncièrement partisan

de l'Algérie française, il fait encore confiance à de Gaulle.

Tout comme Delouvrier, les ministres, à Paris, sont dépassés. Le Premier

en tête. Michel Debré tente une incursion rapide à Alger. Il ne peut se faire

écouter et respecter des colonels en colère qui, pour calmer les esprits des

insurgés, lui réclament simplement de rester fidèle à lui-même et d'imposer

à de Gaulle l'Algérie française.

Ces colonels en colère, en cette fin janvier 1960, sont en fait peu

nombreux et ils ont leurs hommes en pointe : Argoud dans les bureaux et

Dufour sur le terrain. Argoud est officiellement le chef d'état-major du

commandant du corps d'armée. Pratiquement il est en poste pour tirer bien

des ficelles et il ne s'en prive pas. Massu, son ancien patron, est parti et

Crépin, le nouveau, s'initie à son commandement. Argoud estime que la

pression des événements, à condition de les aider un peu, doit contraindre

de Gaulle à changer de politique et, qui sait, à se retirer. Pour en arriver là,

il importe de démontrer l'unanimité du million d'Européens et de l'armée.

Derrière lui, les colonels paras des régiments présents à Alger ou du P.C. de

la 10 e D.P. : Broizat, Dufour, Bonnigal 7 , Meyer, Coustaux, abondent dans

son sens mais ne sauraient franchir le Rubicon de l'illégalité. Ils n'ont

qu'une seule certitude : ils ne tireront pas sur les insurgés, mais d'autres

colonels, non paras ceux-là, s'énervent et annoncent qu'ils vont venir le faire

à leur place.

Les journées qui suivent accentuent le clivage. Ortiz, Lagaillarde tiennent

ferme, mais ils sont sur la défensive. Leur cause ne progresse pas, le temps,

bien au contraire, joue contre eux avec la fatigue et la lassitude. Les paras,

autour des barricades, fraternisent sans plus. L'armée, dans l'intérieur, en

revanche, s'éloigne d'un mouvement qu'elle ne comprend pas.

Le 26 janvier, de Gaulle s'adresse aux insurgés :

« J'adjure ceux qui se dressent à Alger contre la patrie, égarés qu'ils

peuvent être par des mensonges et par des calomnies, de rentrer dans

l'ordre national. Rien n'est perdu pour un Français quand il rallie sa

mère, la France. J'exprime ma confiance profonde à Paul Delouvrier,

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