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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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où une implantation européenne justifiait les rouages traditionnels : maire,

adjoint, conseil municipal élus. Elles regroupent donc la quasi-totalité du

peuplement européen, mais englobent dans leur périmètre des secteurs

restés à dominante indigène. Le quart des musulmans d'Algérie vivent ainsi

dans des communes de plein exercice. Depuis les décrets Clemenceau

de 1919, certains d'entre eux votent pour désigner des conseillers

municipaux musulmans qui ne peuvent excéder le tiers des élus. Le maire

européen et sa majorité restent ainsi maîtres des décisions et des choix. La

nature humaine étant ce qu'elle est, une telle prééminence ne favorise pas

toujours les habitants des douars aussi bien au niveau des budgets que des

subventions 13 .

L'autre commune est la commune mixte, héritière, on l'a vu, des bureaux

arabes et des annexes militaires. Elle représente la grande cellule

administrative de l'Algérie, là où la population indigène l'emporte très

largement et où la colonisation a peu pénétré. On en compte 70 et elles sont

vastes, couvrant la superficie d'un département français, parfois plus. Elles

englobent les six septièmes du territoire et les trois quarts des indigènes.

C'est dire l'importance de ce maillon original qui se veut à la fois témoin de

l'assimilation que la France entend pratiquer et en même temps gardien d'un

certain particularisme local. D'où, d'un côté, l'administrateur, fonctionnaire

français, et, de l'autre, caïd et djémaa, émanations du peuplement indigène.

La commune mixte, c'est d'abord et beaucoup son chef, fonctionnaire des

services civils, nommé par le gouverneur général et qui règne en grand

féodal. Il a son bordj, une enceinte parfois semi-fortifiée où il réside avec

les siens et ses collaborateurs. Avec son jardin, qui prend dans certains cas

des allures de parc, l'ensemble se veut cossu et digne du mandataire de la

France, qui doit savoir en imposer. Ce signe extérieur fait partie de sa

mission. Ce civil, en tenue le plus souvent, a donc aussi des comportements

militaires. On claque des talons en entrant dans son bureau. La manière

forte ne lui déplaît pas à l'occasion. Il assure que l'indigène préfère cela à

une amende ou trois jours de prison. Peut-être a-t-il raison, du moins

atteste-t-il de sa puissance. Car il a de grands pouvoirs, cet administrateur

que d'aucuns appellent un vice-roi. Il en a beaucoup plus que son supérieur

hiérarchique, M. le sous-préfet. La paix française, dans le bled, c'est lui.

Issu d'une grande école – beaucoup ont fait « l'Agro » ou l'Ecole

coloniale – nommé à la suite d'un difficile concours, c'est un fonctionnaire

d'autorité et toute la vie administrative passe par lui. Il est tout à la fois

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