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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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musulman, Salah Bouakouir est entré à Polytechnique. Son cas reste pour

l'heure un exemple unique.

Les conséquences de cette carence globale de l'instruction sont graves.

Faute de formation et surtout de formation professionnelle, les jeunes

générations se préparent à n'être que des sous-employés ou des chômeurs.

Le sentiment d'inégalité sociale et raciale du peuple algérien s'accroît. Bien

des enfants enfin, à défaut d'autre porte ouverte, sont rejetés vers les écoles

dites coraniques qui, sous couvert d'enseignement à caractère religieux, ne

se gênent pas pour inculquer des sentiments qui ne sont pas favorables à la

France.

L'inégalité politique rejoint les autres. Sujet français, l'Algérien n'est pas

citoyen. Les décrets Clemenceau n'ont touché qu'une frange limitée de la

population. Le code de l'indigénat a été officiellement abrogé en 1927, mais

cette suppression n'est pas encore véritablement entrée dans les faits. Le

musulman doit effectuer un service militaire d'une durée double de celle de

l'Européen. S'il est dans l'armée des officiers indigènes, dans la pratique il

existe un plafond reconnu à leur avancement : celui de capitaine.

La société franco-algérienne de 1930 est donc profondément inégale.

Droits et devoirs n'y sont pas les mêmes pour tous. Ne point l'oublier est

indispensable pour comprendre un avenir qui, à partir de 1930, va

commencer à se façonner. Mais avant de voir comment, une autre

interrogation : quel est le sentiment des Algériens à l'égard de la France ?

L'âme musulmane est souvent muette. Qui peut vraiment percer le secret

des consciences ? Il convient donc de progresser avec prudence et de

n'avancer que des hypothèses générales.

Les bénéficiaires du système français, c'est-à-dire les hommes de

l'administration, caïds, aghas, etc., sont satisfaits. Ils trouvent leur compte

c'est-à-dire sécurité matérielle et honneurs. Sincères ou hypocrites ils sont

toujours prêts à applaudir et à approuver. Ils forment la fameuse cohorte des

« béni-oui-oui », cette troupe d'avant-garde pour attester des bienfaits de la

présence française.

Les anciens combattants, les anciens militaires, qui ont connu la

fraternité des armes, parlent de la France avec respect et affection. Dans un

pays où le guerrier est honoré, ils portent avec fierté des médailles bien

méritées. Une petite retraite, une pension leur apportent souvent un mieuxêtre

certain. Leurs anciens chefs se sont penchés sur leur sort : le maréchal

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