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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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pourra se dégourdir les jambes. L'obscurité apportera sa relative sécurité et

sa longue veille, car, sait-on jamais, si près de la Tunisie...

Soudain, le guetteur de service alerte discrètement son chef. Côté opposé

au couchant, il distingue nettement des hommes qui progressent en file

indienne le long de la lisière de la forêt.

« Ces imbéciles, murmure Holeindre, ils ne m'ont pas prévenu qu'il y

avait une opération dans le coin ! »

La tête de la troupe est encore loin de lui. Il discerne mieux, aux

jumelles, l'éclat d'un canon de fusil. Soudain, un doute le traverse. Et si ces

hommes n'étaient pas des Français ? Pourtant, la colonne s'allonge, treillis

kaki derrière treillis kaki.

Non, ce n'est pas la démarche d'une unité française. Ce n'est pas la file

caractéristique piquetée d'antennes radio et de F.M. portés sur l'épaule

comme une besace au bout d'un bâton de pèlerin.

Holeindre les voit mieux. A combien sont les premiers ? 150-200 mètres

tout au plus. Les treillis sont un peu plus clairs que ceux de l'armée

française, les rebords des casquettes plus carrés. Les visages ont le teint

hâlé des gens du sud.

« Des fells ! » murmure Holeindre. Les mains se crispent sur les poignées

des P.M. Quelques-uns ne vont-ils pas faire une incursion jusqu'aux murs

écroulés ? Les paras, qui sont moins de dix, sont sans illusions. Non, la

colonne poursuit sa marche. Elle n'en finit pas. Quatre cents hommes

environ, estime Holeindre lorsque les derniers s'estompent derrière un

bosquet.

La pénombre grandit. La nuit tombe vite fin novembre. Heureusement.

Elle va permettre de s'éclipser. Pour Holeindre et les siens, après la tension

nerveuse, le plus dur reste à faire : rejoindre Tébessa et rendre compte. Le

plus sûr sera encore de dévaler jusqu'à la route Tébessa-El-Ma-El-Abiod en

évitant la forêt. Dans l'obscurité, en plein terrain découvert, ils risquent

moins une mauvaise rencontre.

Il est plus de 3 heures du matin lorsque le groupe Holeindre rejoint

Tébessa. Il marche depuis neuf heures, nerveux, tendu, aux aguets. Sur la

route, au passage du col, il a écopé de quelques coups de fusil du poste

français. Impossible de se faire reconnaître des sentinelles effarouchées par

ses coups de lampe intempestifs.

A l'état-major, la première réaction est le doute. Ce n'est pas possible. Les

services de renseignements l'auraient su ! Mais Holeindre se fait pressant.

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