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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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cortège de près de 10 000 personnes se forme à Sétif au départ de la

mosquée de la gare. Il emprunte l'avenue Clemenceau, l'artère principale de

la ville. La foule est composite. En tête, des scouts musulmans, puis des

hommes et enfin des femmes lançant leurs fameux you-you. De nombreuses

banderoles sont brandies :

« Libérez Messali ! »

« Nous voulons être vos égaux ! »

« Istiqlal » 2 .

Très vite, le défilé se heurte aux forces de police. Des coups de feu

éclatent. Le chef des scouts musulmans, porteur d'une banderole, tombe

mortellement atteint. L'émeute se déchaîne. Les Européens rencontrés, et

qui n'ont pu se mettre à l'abri, sont massacrés. Il y a quarante-huit blessés et

vingt-huit morts dont le président de la délégation spéciale, un socialiste,

qui fait fonction de maire. Simultanément, au nord de Sétif l'incendie

s'embrase. Un vent de folie meurtrière déferle sur la Petite Kabylie. Les

employés d'hier, les voisins se joignent aux émeutiers. Les isolés sont les

plus frappés. Des gardes forestiers sont assassinés avec leur famille, dans la

montagne au sud de Bougie et de Djidjelli. A Kerrata, sur la route qui de

Sétif rejoint la côte, la population européenne se barricade de son mieux,

mais il y a des morts. Même tragédie à Périgotville 3 où un prêtre est parmi

les victimes : l'abbé Navarro qui venait de célébrer l'office. A Cap-Aokas,

sur le littoral, l'administrateur de la commune mixte réagit avec énergie et

mobilise Français en âge de porter les armes et indigènes sûrs. Ces

résistances locales n'empêchent pas les scènes tragiques : femmes

violentées et presque toujours achevées, enfants égorgés, cadavres mutilés 4 .

Dans l'Est constantinois l'alerte a pu être donnée. A Guelma, le souspréfet

Achiary réagit d'une main ferme. Dans les villages de colonisation,

Gounod, Heliopolis, Roknia, les familles se regroupent. Des fermes

résistent de longues heures mais les isolés là encore succombent. On revoit

les mêmes pillages et les mêmes destructions. On entend les mêmes cris :

« Djihad ! Djihad ! » « Mort aux Français ». Les étrangers – des prisonniers

italiens dans l'ensemble – sont épargnés.

Les structures musulmanes en place s'écroulent. Certains caïds

s'estompent. Des agents de l'administration, chaouchs, s'éclipsent ou

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