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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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difficile, a une intelligence vive. Analyste rigoureux, il voit loin. Il pressent,

et il l'écrit, que l'indépendance devra être arrachée à la France. Avec clarté,

il pose la mission de l'O.S. : préparer la guerre révolutionnaire c'est-à-dire

l'insurrection de tout un peuple où la masse rurale jouera le rôle

déterminant 8 . Est-il trop théoricien ? N'est-il pas surtout trop kabyle ? Il est

supplanté à la tête de l'O.S. par Ahmed Ben Bella, le chef de l'O.S. pour

l'Oranie. Ait Ahmed paye ainsi la crise « berbériste » qui secoue le

M.T.L.D. en 1949.

Une crise qu'on préfère taire mais qui laissera des traces dans les esprits

et qui témoigne d'un particularisme que d'aucuns ont tendance à sousestimer.

Deux grands courants s'affrontent chez les nationalistes : celui d'une

Algérie arabo-islamique et celui d'une Algérie algérienne. Pour les tenants

du premier, en Algérie, il n'y a qu'une langue : l'arabe, qu'une religion :

l'islam. Pour les autres, la prééminence de la religion musulmane n'est pas

remise en cause, en revanche, au niveau de la langue, il y a divergence. Le

berbère ne peut être oublié ou méprisé. Plus de 30 % des Algériens sont

berbérophones et parmi ceux-là, le groupe le plus uni et le plus typé : celui

des Kabyles. Déjà se profile l'ombre de ce particularisme né sur les crêtes

du Djurdjura. En 1949, la majorité non berbérophone impose ses vues, des

vues que l'on pourrait presque qualifier de jacobines, mais avec la guerre il

faudra tenir compte de ces puissances militaires et politiques que

représenteront les régions à dominante berbère : Kabylie et Aurès.

L'indépendance du reste ne mettra pas un terme au problème.

Ahmed Ben Bella, grâce à ces convulsions internes du « berbérisme », a

donc supplanté Ait Ahmed à la tête de l'O.S. Il en restera toujours quelque

chose entre les deux hommes. Ahmed Ben Bella est né à Marnia, près de la

frontière marocaine, en 1916. Comme bien d'autres, il s'est bien battu

en 1944 sous l'uniforme français, terminant la guerre avec le grade – flatteur

pour un musulman – d'adjudant et le ruban jaune de la médaille militaire sur

le côté gauche de sa vareuse. Bel homme, le visage un peu poupin, il

présente bien et s'impose d'autant mieux que ses convictions sont bien

arrêtées. Il est arabe et musulman et ne saurait transiger là-dessus, d'où son

nationalisme ombrageux qui le pousse, lui, ancien sous-officier, à se lever

contre ses anciens chefs.

Curieux destin que celui de cet enfant du peuple qui passera de longues

années de sa vie en détention. De 1950 à 1952, tout d'abord pour avoir

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