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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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s'éloigne. Pour le F.L.N., la perspective de dominer la ville est ajournée, car

la situation acquise au plan militaire le restera. Le D.P.U. a tressé sa toile et

la maintient. A l'image du bled, des sections administratives se mettent en

place dans les quartiers à haut pourcentage musulman. On les appellera les

S.A.U. (sections administratives urbaines). Des équipes identiques à celles

des S.A.S. assurent une pénétration de la population. L'ensemble S.A. U-

troupes de secteur suffit pour la sécurité urbaine.

De ce bilan positif de pacification les paras peuvent s'estimer satisfaits.

Leurs pertes ont été relativement légères : des blessés surtout, quelques

morts seulement par attentat ou ultime réaction de desperados. La

population européenne sait acclamer et choyer ces libérateurs d'un nouveau

genre. Le prestige para, lancé par Ducournau, relayé par Bigeard, glorifié

par Massu et les siens, est une réalité. Les hommes à la tenue camouflée, au

béret vert ou amarante, sont les rois de la ville. Non seulement ils font

battre les cœurs, plus encore ils s'imposent en seuls maîtres. Qu'ils parlent

ou agissent et ils seront suivis, eux qui ont su oser et réussir là où les autres

ont échoué ou renoncé. Une section de paras dans les rues d'Alger vaut des

compagnies de C.R.S.A l'applaudimètre, l'affaire est jugée d'avance. A la

valeur dissuasive, elle ne l'est pas moins.

Sont-ils heureux, ces paras, de cette victoire et de cette louange qui

monte vers eux ? Non point ! « Sale boulot ! » ont-ils dit. Ils n'en reviennent

pas. Pour eux, des valeurs se sont effondrées. Au premier chef, l'autorité :

ce pouvoir civil qui leur a donné si vile besogne et s'est montré bien timoré

pour les défendre de leurs détracteurs sur le chapitre tortures, cette

hiérarchie qui, à part Salan et Massu, se tait et ne se compromet pas tout en

bénéficiant des résultats des méthodes employées. Les grandes révoltes du

futur se dessinent déjà. Cette Algérie, qui a exigé tant de sacrifices moraux

et matériels, ne saurait être abandonnée.

Les colonels, les capitaines paras qui glissent vers cet état d'esprit, eux

qui à l'encontre d'autres ont accepté de prendre des responsabilités, le font

d'autant plus qu'ils se savent puissants. L'administration, émanation du

pouvoir métropolitain, est un corps mort. Les hauts fonctionnaires se sont

pliés. Un seul, le secrétaire général de la police, le préfet Teitgen, s'est

insurgé contre les moyens employés et a regagné Paris.

A Alger, Godard supervise tout : l'armée, la gendarmerie, la police. Les

U.T. ont pour chef un colonel d'active. Les forces vives de la capitale sont

entre les mains militaires. Le gouvernement ne s'est pas rendu compte de

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