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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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souvenir de l'éviction. Pauvre hère, il poursuit son travail de la terre avec

des moyens et des méthodes le plus souvent archaïques. Son revenu s'en

ressent. Deux mondes, l'européen et le musulman, se côtoient, à des siècles

de distance.

On perçoit les conséquences politiques d'une telle situation, même si

rares sont ceux qui osent les présenter ouvertement. Les colons affirment de

bonne foi : « Cette terre est notre bien, nous l'avons fécondée par notre

sueur et notre sang. » Le fellah, avec tout autant de bonne conscience,

murmurera : « Cette terre m'a été injustement dérobée, on m'en a chassé. »

Le souffle de la rébellion, en 1954, trouvera un creuset propice à la révolte

des gueux.

La poussée des villes, parallèlement, n'est pas moins spectaculaire car le

peuplement, il ne faut pas l'oublier, sera en fait plus urbain que rural. En

1870, soixante-dix pour cent des Européens sont des citadins et ce

pourcentage ira croissant.

Les vieilles métropoles s'agrandissent et s'embellissent. Alger déborde du

cadre turc et s'étale sur les hauteurs et le long du littoral. Sous le second

Empire s'édifient les boulevards front de mer posés sur une enfilade

d'arcades. Ils sont le premier regard du visiteur accostant au port. Oran,

Constantine, Bône font de même. Surtout des villes nouvelles se créent,

postes militaires ou centres administratifs – les deux vont souvent de pair –

à l'origine. Là encore le contexte politique du moment se retrouve dans les

noms de baptême. Orléansville, à un carrefour de pistes et sur les ruines

encore d'une cité romaine, est, dans la vallée du Chélif, la ville de la

dynastie régnante. Nemours, Aumale sont les fils de Louis-Philippe. Fort-

Napoléon, après Sedan, sera rebaptisé Port-National. Des noms

patronymiques subsistent comme pour les villages. Sidi-bel-Abbès, fondée

par la légion sur un terrain vague et marécageux, rappelle un vieux

marabout local. Aïn-Beida, poste militaire créé en 1844, est la « source

blanche », le point d'eau de cette étape des hauts plateaux.

Une cité plus que toute autre illustre ce développement : Philippeville,

ainsi nommée en 1839 par ses fondateurs, toujours en l'honneur du

monarque. Sur son site il n'y avait rien hormis les vestiges d'un petit port

romain, Rusicadia. Son artère principale, à l'origine, n'était qu'un fond de

talweg. En quelques années surgira un port : le port de Constantine.

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